Je t'offre des palmes pour Noël [Entrainement Liberté 1]

Il était temps. Temps de débuter, temps de commencer. Mon baptême de novice avait enfin eu lieu, et on m'avait donnée en charge à un jeune guerrier, du nom de Nuit Hivernale. Il ne m'avait pas paru très commode, mais peu m'importait. Mon existence est basée sur la joie, la bonne entente et l'amitié. Alors même si mon mentor n'est qu'une tête à claques, une saleté de crotte de renard, comme disent les chats de Clan, rien ne pourra me faire perdre ma bonne humeur. Je resterais calme, et j'écouterais tous ses conseils.
Mon réveil est tout de même très brutal, car le matou s'assoit sur moi pour me réveiller, ce qui me provoque un gros choc cardiaque. Je n'ai pas l'habitude d'être réveillé de cette manière, même si lorsque j'étais solitaire, mon frère et moi avons eu des réveils très brutaux, je l'admets.

"Debout, Nuage de la Liberté. Je t'attends au cercle de pierre. Si tu ne te lève pas, je viens t'arracher les moustaches et te crever les yeux, c'est compris ? Tu as jusqu'à l'apparition du soleil."

Et il quitte les lieux d'un air hautain. J'avoue que son petit numéro du matin m'a légèrement fait hérisser le poil, mais désormais, je suis redevenue calme et sereine. Même si Nuit Hivernale est désagréable, je sais qu'au fond, c'est un gentil chat. Aucun félin sur cette planète ne peut être méchant dans tout son esprit. Il y a toujours un léger pourcentage de bon.
Je me lève donc, et baille fortement avant de me lécher le pelage pour faire une petite toilette. Je tiens à être présentable pour mon premier entraînement, même si je risque de revenir toute sale, à force d'avoir courus dans la boue et les marécages du territoire.
Je jette un petit coup d'oeil à ma couronne de fleur offerte par mon frère, mais je décide de la laisser ici, je risquerais de la perdre ou de l'abîmer, ou pire encore, Nuit Hivernale pourrait lui faire du mal. Je sors donc à mon tour de la tanière, les yeux pétillants, et je trottine joyeusement jusqu'à mon mentor qui déguste une proie près de la réserve de gibier. Je m'approche de lui, mais il semble perdu dans ses pensées, alors j'attends patiemment qu'il se rende compte de ma présence. Il ne tarde pas à me voir, et se redresse avant de me saluer et de quitter le camp. Je lui emboîte le pas, toujours avec mon sourire sympathique et mon regard pétillant. Je me demande ce que nous allons faire aujourd'hui.

"Aujourd'hui, je te montre vite fait le tour du territoire et je t'apprendrais la chasse par la suite. Tu as intérêt à marcher à mon rythme, sinon, je t'abandonne derrière."

J'acquiesce en rigolant à moitié de sa blague, en me demandant s'il est sérieux ou non. Serait-il véritablement capable de m'abandonner derrière lui ?
Mais de toute façon, je suis assez robuste pour suivre son allure. Après tout, j'ai beau être une chatte domestique à l'origine, j'ai vécu pendant longtemps solitaire et j'ai beaucoup marché, alors mes pattes sont plutôt musclées. Je pars avec une longueur d'avance sur les autres apprentis, Nuit Hivernale devrait s'en satisfaire, non ?

"Je suis sure que notre territoire est plein de ressources, et je suis très enthousiaste à l'idée d'en faire le tour."

Je m'incline légèrement derrière Nuit Hivernale, pour ponctuer mes belles paroles. Cela peut parfois paraître étrange, mais je m'exprime d'une certaine façon, assez étrange, plutôt de haut niveau. J'ai rencontré beaucoup de chats pendant ma vie de solitaire, et j'ai appris beaucoup de langage différent au cours de ma courte vie. J'espère que Nuit Hivernale sera content de voir que je m'exprime bien...

Nuit Hivernale ne semble pas le moins du monde impressionné, mais je ne me décourage pas pour autant. J'ai envie qu'il soit fier de moi. Je lui montrerais mes talents plus tard, tant pis.
Il tourne la tête vers moi, et ses yeux me dévisage, provoquant un léger frisson d'effroi sur mon pelage gris clair. Nuit Hivernale est un jeune chat, mais il a une expression assez effrayante sur le visage. On pourrait presque croire qu'il est victime d'une malédiction, ou autre légende de ce genre...

"Tu parles bien, pour un chaton de ton âge. Mais ce n'est pas ça qui va impressionner tes ennemis."

Je hoche la tête, avant de regarder le sol, en signe de soumission devant le matou, mais il s'est déjà retourné et a repris sa route. Il ne sera vraiment pas facile à impressionner...
Je me lance à sa poursuite, et ralentis le pas derrière lui, en regardant partout autour de moi. Notre territoire est très grand, et même si je suis déjà sortie du camp, je n'ai jamais pu le visiter en entier. J'ai entendu les guerriers parler de Charnier, de Marécages et de Chemin du Tonnerre, mais je ne sais pas ce que c'est. Le Charnier, je crois bien que c'est cet endroit degoûtant, où vivent les rats, mais je ne vois pas de quoi ils parlent quand ils disent Chemin du Tonnerre. Peut-être un sentier où la foudre frappe lorsqu'il y a du mauvais temps ?
Soudain, un bruit me fait relever brusquement la tête. J'hume l'air, et je reconnais aussitôt l'odeur des bipèdes. Même si je n'ai vécu chat domestique que pendant les premiers jours de ma vie, je reconnais bien l'odeur des bipèdes. Et le bruit que j'entends, se sont seulement les voitures qui passent sur la route.

"Nous approchons du chemin du Tonnerre. Allons voir de plus près, ainsi, tu pourrais peut-être discerner l'odeur d'un Clan adverse."

Ha, encore ce fameux Chemin du Tonnerre... Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?! J'hésite à poser la question à Nuit Hivernale, mais je décide de me taire, de peur qu'il ne me fasse une réflexion.
Mon mentor avance droit devant lui, mais il me semble que ses pas se font de plus en plus lents. Aurait-il peur de ce fameux Chemin du Tonnerre ? Ou bien de la frontière, et du Clan ennemi ? Je ne saurais pas dire...
Mais au fur et à mesure que nous avançons, je me rends compte que nous allons droit vers la Route des bipèdes, et mes sourcils se froncent. Je ne comprends pas, nous n'étions pas censé aller voir le Chemin du Tonnerre ?

{PS : Pour Liberté, le chemin du tonnerre s'appelle la route, car comme elle a vécu chez les bipèdes,elle a appris l'appellation des bipèdes, donc elle comprend pas ce que tu appelle chemin du tonnerre xD}

Nous avançons toujours tout droit, et je suis de plus en plus étonnée. Mais ma surprise est à mon comble lorsque Nuit Hivernale s'arrête juste devant la Route, le long ruban d'asphalte sur lequel passe les immondes 'voitures' des bipèdes. Ses saletés sont répugnantes. De plus, pendant la période dans laquelle j'ai vécu solitaire, j'ai appris que les voitures avaient plusieurs noms auprès des différents chats. Certains les appellent 'Mangeuses de Terre', d'autres les surnomment 'Roule-Route'... Il me semble que les Clans appellent ça des 'Monstres'. Ils ne savent sûrement pas ce que c'est.

"Voici ce que nous, véritables chats sauvages, appelons le Chemin du Tonnerre. Et l'odeur de cadavre que tu peux sentir de l'autre côté du chemin, c'est le Clan du Tonnerre. Il ne sont pas une très grosse menace pour nous. Surtout depuis que leur meneuse à péter les plombs à la dernière Assemblée."

Donc si je comprends bien, le Chemin du Tonnerre est l'autre nom de la Route... Je vais devoir m'y faire j'imagine... Moi qui ai toujours appelé ça une route, comme me l'a appris ma mère, je risque d'avoir du mal à dire "Chemin du Tonnerre". Mais par respect pour le Clan qui m'a accueilli, je dirais comme ils le voudront.
Je me désintéresse de la Rou... Du Chemin du Tonnerre, et fixe le territoire qui s'étend de l'autre côté. Le Clan du Tonnerre. Je me demande comment ils vivent. En tout cas, leur odeur est assez bizarre... Je n'ai pas encore perdu mon odeur de chatte domestique et de chatte solitaire, et je n'ai donc pas encore pris l'odeur du Clan de l'Ombre. Mais ce que je sais, c'est que le Clan du Tonnerre sent nettement moins bon que mon Clan d'adoption. J'ai connu beaucoup d'effluves différents, mais celui-ci est bien le pire d'après moi.
Je réfléchis également aux derniers mots de mon mentor. La meneuse du Tonnerre aurait pété un plomb à l'Assemblée d'après lui. Je me demande ce qui a pu se passer, d'autant plus que cela semble rendre Nuit Hivernale très heureux.
Nous quittons les lieux, et je détache avec regret mes yeux du Chemin du Tonnerre, qui me rappelle mon enfance. Nous nous approchons d'un endroit que je n'ai jamais vu, mais dont j'ai entendu parler. Les Quatre Chênes.

"Le reflet argenté que tu peux voir la-bas, c'est le soleil se reflétant sur la rivière, qui appartient donc au Clan de la Rivière. Ce sont des chats qui adorent les mouiller les puces et ce en n'importe quel saison. Ils ont des abeilles qui bourdonnent dans la cervelle."

La Rivière... Et bah dite donc, les Clans ont beaucoup de territoires à ce que je vois. Je me demande quelles tailles mesurent les terres de chacun. Je doute fort que le partage soit équitable, mais ils n'ont sûrement jamais songé à mesurer. Si un jour ils le faisaient, cela pourrait provoquer une guerre...
Je me garde donc d'en parler à mon mentor, et je me tais aussi au sujet de la rivière, que je trouve pour ma part très belle. Je ne vois pas pourquoi Nuit Hivernale critique le Clan de la Rivière...
Le guerrier s'assoit, et j'en profite pour admirer un peu le paysage. C'est très joli comme endroit, là où nous nous trouvons.
Mais à peine ais-je eu le temps de repérer quelques lieux dont j'ai entendu parler, mon mentor s'est déjà relevé et s'apprête à repartir. Décidément, ce soir je risque d'être très fatiguée...
Après avoir marché quelques minutes, il se tourne vers moi et me miaule :

"Je suppose que tu dois commencer à avoir faim, non ? Suis-moi, je vais t'enseigner la chasse aux crapauds dans les marais, ce n'est pas très loin d'ici."

Je me retiens de bondir de joie. La chasse ! Je vais enfin pouvoir chasser !! Pendant toute la période où j'ai vécu solitaire, mon frère et moi avons eu un mal fou à nous nourrir. Et pour cause : nous ne savions pas chasser. Au moins, si Nuit Hivernale m'apprend à chasser, je me sentirais un peu mieux, un peu moins inculte... Et je penserais fort à mon frère, qui a toujours tout fait pour me nourrir...

Nuit Hivernale m'emmène vers les marais. C'est un endroit où je ne suis jamais venue auparavant. C'est plein de boue, et qui a une odeur très... Spéciale.
J'avance derrière mon mentor, qui est allé s'installer sur une racine. Je marche avec un léger dégoût en soulevant bien haut mes pattes. Mais au bout d'une minute à peine, je comprends que ce geste ne sert à rien, et je consens a me laisser aller, tout simplement, dans la gadoue pour rejoindre le guerrier. Après tout, ce n'est que de la boue, et puis je n'en ai que jusqu'aux pattes, rien de très grave.

"Nuage de la Liberté, je vais devoir t'expliquer plusieurs choses. Tout d'abors, contrairement aux autres Clans, nous mangeons des crapauds et c'est très bon. Deuxièmement, lors des combats, nous utilisons beaucoup de coups bas. C'est une tactique de base. De trois, sache que tes proies voient mieux que toi."

Nous mangeons des crapauds... Je n'y ai jamais goûté. Je suppose que cela doit avoir un texture visqueuse et gluante. J'ai déjà avaler une grenouille, ça doit sûrement y ressembler. Et puis avec tout ce que j'ai mangé pendant ma vie de solitaire... Souris, rats, grenouilles, oiseaux, écureuils, serpents, déchets de bipèdes... J'ai goûté à tout... Alors ce n'est pas un crapaud qui va me dégoûter !
Le guerrier commence un long discours bourré d'explications sur la chasse, et je l'écoute, l'oreille tendue, assise dans la gadoue. C'est répugnant et ça me refroidit le derrière, mais je n'ai nul part où m'asseoir alors je vais me contenter de cela.

"Maintenant, sache toi comme moi avons des pelages plutôt voyants. Moi moins que toi. Nous devons donc utiliser une merveilleuse chose appelée camouflage. Pour cela, il suffit de se fondre dans le paysage. C'est très simple à faire, je te fais une démonstration."

Je le regarde se lever, et jette un coup d'oeil à mon pelage. Effectivement, il est assez voyant... Un gris clair comme le mien se voit de loin dans notre territoire.
Nuit Hivernale fait alors une chose étonnante qui me fait écarquiller les yeux. Il se barbouille de boue, en étalant bien partout sur son pelage, pour cacher sa couleur. Puis, il va se tapir dans un coin et attend en silence, devant mon regard ébahit. Qu'elle étrange technique... Je doute fort que cela marche.
Mais à ma grande surprise, lorsqu'un crapaud passe devant mon mentor, il n'y voit que du feu, et le matou se jette dessus avant de me l'apporter, pendouillant entre ses mâchoires. J'en reste muette d'admiration.

"Cela peux sembler répugnant mais sache que c'est important. Rappelle-toi que ton repas voit mieux que toi, si tu arrive à te faire passer pour une ombre, tu as gagné. Je t'aider à t'enduire de boue. Une fois fait, tu ira te poster dans un coin sombre et lorsqu'un crapaud passe sous tes yeux, saute-lui dessus et achève-le."

Ensemble, nous me recouvrons de boue, et je réprime une grimace de dégoût, même si intérieurement j'ai envie de vomir. Si le Clan me voyait comme ça...
Je vais me poster dans le même coin où il se trouvait lorsqu'il a attrapé son crapaud, et lui va se percher sur sa racine, au bord du marais. Je lui jette un petit coup d'oeil pas très sure de moi. Je n'ai jamais chassé comme ça, je suis sure que je n'arriverais jamais à attraper cet animal...
Non. Je dois rester positive. Je me gronde en marmonnant, puis me tais, pour observer attentivement les mouvements devant moi. J'attends cinq bonnes minutes, et j'ai des fourmis dans les pattes, lorsqu'un crapaud gluant, visqueux, verdâtre, passe devant moi avec des bons lents et répugnants. A chaque fois qu'il s'élève du sol, un affreux bruit de succion retentit, me faisant frémir. Je retiens mon souffle, et essaye de déterminer quel est le bon moment pour sauter. Quand je juge enfin que le temps est venu pour moi d'entrer en action, je me redresse dans un bruit dégoûtant de boue et pousse sur mes pattes arrières.... Qui dérapent lamentablement dans la gadoue. Je dérape en avant, et ma truffe s'écrase par terre, tandis que je pousse un gémissement de dégoût. La honte s'empare aussitôt de moi, et je m'empresse de me relever, mais bien évidemment, le crapaud s'est enfuit. Je baisse alors les yeux au sol, gênée. Franchement, il faut que je sois vraiment débile pour rater mon coup de la sorte, avec une glissade ridicule... Nuit Hivernale va bien se moquer de moi...

Pour ne rien arranger dans cette histoire, Nuit Hivernale est prit d'un terrible fou rire, qui me fait rougir un peu plus encore. Mes oreilles sont plaquées sur ma tête, et mes moustaches pendouillent en direction du sol, tandis que mon coeur se serre. Je me retiens de ne pas pleurer, la situation est déjà assez humiliante. Je me contente donc de fixer la gadoue à mes pattes, les mâchoires fermées pour ne pas laisser échapper mes sanglots. Mon mentor rit tout seul pendant un bon bout de temps, et même si je n'ose pas relever la tête pour le regarder, je me doute bien qu'il doit rire de moi jusqu'aux larmes...
Quand enfin, son petit délire solitaire s'arrête, il se rapproche de moi, et me jette un crapaud à mes pattes. Je relève timidement le regard, et vois bien qu'il est au bord d'une nouvelle crise de rigolade.

"Tiens, mange-le. Mais je te préviens, c'est la première et la dernière fois que je te nourris. La prochaine fois, si tu n'attrape rien, tu ne mange pas. Compris ?"

Je hoche la tête, avant de mordre dans la proie avec prudence et de mâcher. Oui, cela ressemble à une grenouille. Je finis par avaler difficilement, avant d'entamer le reste de l'animal. C'est pas mal du tout comme goût.

"Bon, dépêchons. Le soleil redescent. Si nous voulons rentrer avant la nuit, nous devrons presser le pas."

Je termine mon repas avant de me lécher les babines, et d'emboîter le pas à mon mentor. Je ne sais pas où nous allons, mais n'importe où m'ira très bien tant que l'on s'éloigne des marais. Ma glissade était vraiment ridicule et honteuse...
Lorsque Nuit Hivernale ralentit, nous sommes arrivés devant une espèce de grande plaine balayée par le vent. J'en déduis que ce soit être le territoire du Clan du Vent, mais je n'en suis pas sure. Je n'ose pas poser la question, de peur de dire une idiotie, et me contente donc d'attendre que le guerrier noir se mette à parler, ce qui ne tarde pas.

"Le clan du Vent vit ici. Ils sentent le lapin, ce qui nous permet de les différencier des autres chats... Mais pas des lapins. D'ailleurs, ils se nourrissent exclusivement de lapins aussi rachitique d'un jonchement d'os."

J'ai déjà goûté un lapin, et je n'ai pas trop aimé. C'est trop gros et ça bourre vite l'estomac, tandis que les poils se colle à la trachée. Beurk, heureusement que je n'ai pas été recueillie dans le Clan du Vent ! Je préfère manger des crapauds, malgré leur goût visqueux et gluant !
J'avance d'un pas en avant, et hume l'air en essayant de repérer la frontière. Mais comme l'odeur de lapin est trop forte, je n'arrive pas à la distinguer, et je me tourne vers mon mentor en lui demandant :

"Où se trouve la frontière ?"

Mieux vaut que je sache où elle se trouve, pour ne pas avoir à la franchir ! En espérant que je ne me trouve pas dessus en ce moment même...

Nuit Hivernale affiche un sourire, et sa queue ondule derrière lui, tandis que ses moustaches frémissent d'amusement. Aurais-je dis une bêtise ? Ou bien repense t-il à ma glissade d'il y a quelques minutes ? Je rabats mes oreilles en arrière, en le regardant d'un air interrogateur... Qu'ais-je fais de mal ?

"En fait, je suis pile à la frontière. Tu es donc en territoire ennemi. Heureusement pour toi, il n'y a pas de patrouille dans les environs."

Mon coeur fait un bond dans ma poitrine et je fais un saut en avant pour revenir près de mon mentor. Derrière mon mentor pour être précise, car là au moins, je suis sure de ne pas me trouver en territoire ennemi. Je jette des regards furtifs partout autour de nous, en espérant que, comme il l'a affirmé, il n'y a aucune patrouille du Vent dans les environs...
Pendant que je fais le guet, Nuit Hivernal marque la frontière, et je détourne la tête, un peu gênée. Je n'ai pas encore bien l'habitude de cette étrange coutume. J'en comprends l'intérêt, il faut marquer les frontières de notre odeur, pour que les autres Clans la remarque de loin... Mais pourquoi de cette manière si... Si... Impolie dirais-je... Mais bon, ce sont des coutumes de Clan, je ne peux pas comprendre.
Le guerrier noir fait demi-tour après avoir fait ce qu'il avait à faire, et nous repartons vers un autre endroit. Je me demande où est-ce qu'il compte m'emmener. Mais je sens une odeur affreuse, pire que celle des marais, bien avant que nous arrivions à notre destination. Cette puanteur est répugnante, et mon pelage se dresse le long de mon échine, tandis que je plisse la truffe de dégoût. Qu'est-ce que c'est que ça ?

"Ici, c'est la Charnier", me miaula t-il lorsque nous arrivons devant un grillage. "L'odeur que tu sens viens du tas de Bipèdes. Et probablement des rats qui y vivent. Si tu apporte un rat du Charnier, non seulement je t'étripe pour avoir fais preuve de fainéantise, mais en plus, je parsème toute la forêt avec tes tripes. Ces bestioles sont porteuse de maladie et une épidémie ravagerait le Clan, c'est pas vraiment la saison pour cela. Enfin, c'est pas une grosse perte..."

Un Charnier... Des Rats... Et bien le territoire de l'Ombre est plein de surprises à ce que je vois. Un frisson de peur me parcourt le corps, lorsque j'imagine un de mes camarades avaler un rat, et tomber malade, puis propager une épidémie. Ce serait une triste fin pour le Clan de l'Ombre, et je comprendrais bien que Nuit Hivernale veuille m'étriper vif.
Le matou semble vouloir partir, car le vent vient de se lever, et nos pelages ne sont pas très protecteurs. De plus, nous sommes dehors depuis déjà pas mal de temps, et nous ferions bien de retourner au camp. Cette longue marche m'a ouvert l'appétit. J'espère juste qu'il n'ira pas raconter à tout le monde ma ridicule glissade dans la gadoue...
Mais soudain, des petits bruits résonnent autour de nous, et le matou noir se redresse, inquiet. Je ressens vaguement sa peur, même s'il tente de la cacher, et aussitôt, je me laisse moi aussi gagner par la frousse. Mon pelage se hérisse, mes oreilles se rabattent en arrière et je frissonne comme un chaton dehors en plein hiver. Mais je n'ai pas peur à cause du froid...
Devant nous se tiennent deux rats, qui n'ont pas l'air très commodes. Et je remarque d'autres bruits, qui signifient que d'autres rongeurs du Charnier sont tapis derrière leur duo de congénères, prêts à nous sauter dessus et à nous réduire en purée. Je sais très bien que les rats infligent de grosses blessures, même si ce sont des animaux plus petits que les chats. Mon frère a été mordu une fois pendant notre voyage, après un combat contre un rat, et si nous n'avions pas croisé la route d'un chat domestique qui nous a donné un remède, il serait probablement mort.

"Va t'abriter quelque part, Nuage de la Liberté. Un rat, c'est pas une souris, c'est plus coriace."

Je panique aussitôt, en voyant mon mentor se hérisser et sortir les griffes. Il ne va tout de même pas essayer de les combattre ?! Ce serait totalement inconscient !

"Non ! Nuit Hivernale ! Partons d'ici ! C'est beaucoup trop dangereux d'essayer de..."

Je suis coupée dans ma phrase par un cri perçant, lancé par un des deux rats. Ses petits crocs sortent de son museau, et il nous dévisage d'un air mesquin, effrayant. Une envie de vomir me prend la gorge, lorsque je l'imagine entrain de nous massacrer, avec ses griffes et ses crocs. Je ne sais pas quoi faire. Ecouter mon mentor ? Ou bien l'aider à combattre ? J'essaye encore une fois de l'attirer en arrière, pour l'obliger à courir loin d'ici, mais il semble bien décidé à se battre...
Que puis-je faire... ?


[je suis fière, avec Liberté je fais des longs textes xD]

Comme je le pensais, mon mentor ne semble pas vouloir se replier. Mais pourquoi s'obstine t-il de la sorte ? Qu'a t-il en tête ? Il est suicidaire ou quoi ?! Deux chats, dont une jeune apprentie, contre une bande de rats féroces... Nous n'avons strictement aucune chance.

"Qui donnes les ordres, rappelle-moi ! J'ai connu pire qu'une bande rats !"

Je peste contre son entêtement. Ce chat est un malade. Je doute fort qu'il sache véritablement ce que c'est qu'une attaque de rat. Je ne me suis jamais battue contre une horde entière, mais j'ai déjà vu mon frère combattre contre un seul de ces rongeurs, et il en a récolté plusieurs blessures... Nuit Hivernale ne s'en tirera pas indemne, ça c'est certain. Enfin... Il faudrait déjà qu'il s'en sorte !
Je reste donc ainsi, derrière mon mentor, à quelques longueurs de queues de souris de lui. Il est hors de question que je batte en retraite toute seule, que je m'enfuis en l'abandonnant ici. S'il choisit de combattre, je ferais de mon mieux pour l'aider. Je sais que je ne suis pas la meilleure combattante qu'il soit, mais je connais les bases, grâce à ma vie de solitaire. Je serais donc tout de même d'une petite utilité, même minime, à mon mentor.
Soudain, le matou noir se jette en avant, droit vers le duo de rats, qui se mettent à pousser des cris, prêts à attaquer eux-aussi. Je pousse un gémissement pour faire revenir mon mentor, mais il est tellement entêté... Ca ne marche pas. Je vais devoir l'aider en combattant moi aussi.
Il ne tient même pas cinq minutes, qu'il se fait mordre. Les deux rongeurs l'attaquent sauvagement, mais il réussit à leur donner quelques coups de griffes. Mais c'est peine perdue, la vague de rats fonce droit sur lui, leurs petits crocs en avant, prêts à se planter dans la chair du matou. Je ne sais pas quoi faire. Peut-être que finalement, si j'essaye de l'aider, je me ferais tuer, et ce n'aura été qu'une perte de plus ?
Non. Je dois l'aider. Je suis une apprentie du Clan de l'Ombre, il est de mon devoir de secourir mon mentor.
Un cri de guerre s'échappe de ma gorge, et je sors les griffes. Je me projette en avant, pour me poster près de mon mentor, et je donne un violent coup de pattes à un des rats, qui, surpris, n'a pas le temps de comprendre ce qui vient de lui arriver, et qui se fait donc projeter trois mètres plus loin. Mais mon moment de triomphe est vite passé. Le rat se relève déjà et repart à la charge, tandis que les autres se jettent sur moi en essayant de me mordre.

"Nuit Hivernale ! Partons d'ici ! On a peut-être une chance de..."

Je pousse un hurlement. Un des rongeurs vient de me mordre au ventre. Mon hurlement se transforme en gémissement, mais je garde tout de même espoir et poussa mon mentor du bout du museau, pour essayer de l'écarter d'ici. Si nous quittons la limite du Charnier, les rats nous laisserons peut-être ?
Une autre boule de poil me mord la queue, tandis qu'un de ses congénères me griffe la patte avant gauche. Je pousse un nouveau cri, et plonge violemment mes crocs dans cette saleté de rat, qui meure entre mes mâchoires dans un souffle rauque. Pouah ! Quelle puanteur ! Je recrache aussitôt le petit corps gris, et continue d'obliger mon mentor à se relever. J'espère qu'il va m'écouter cette fois-ci, et me suivre loin d'ici ! En espérant que nous ne mourrons pas avant...

Nuit Hivernale se relève enfin, et m'entraîne avec lui en arrière. Nous tournons le dos aux rats, mais ils continuent à hurler comme des malades, en nous mordant de toutes parts. Je me débarrasse de l'un d'eux d'un coup de pattes arrières, et m'enfuis avec mon mentor, les oreilles rabattues sur ma tête, courant à toute vitesse pour m'échapper d'ici. Décidément, le territoire de l'Ombre est effrayant. Les marais glissants, puants. La rou... Le Chemin du Tonnerre, dangereux pour les félins qui ne sont pas habitués à le traverser. Le Charnier, avec des rats meurtriers.
Le matou noir me force à avancer plus vite, mais je remarque qu'il boîte. La morsure du rat a dut être plus profonde que je ne pensais. Je réprime une grimace, et force l'allure, en ignorant ma propre douleur. Si Nuit Hivernale m'avais suivi lorsque je lui avais dis de partir, nous n'en serions pas là. Mais ce n'est pas le moment de lui faire la leçon. C'est lui le guerrier, et moi l'apprentie. Je n'ai pas à faire ma maligne, il a tout le commandement. Je suis censée me taire, même si j'ai raison. Du moins, c'est ce que je pense.
Lorsque nous nous arrêtons enfin de courir, j'ai un mal de tête épouvantable, et je souffre horriblement à ma queue et à mon ventre. De petites gouttes de sang perlent de mes blessures, et vont s'écraser au sol, tandis que je les regarde avec peur. Et si j'étais infectée ? Et si je mourrais, à cause de ces saletés de rongeurs ? Oh non... Je ne peux pas penser à ça...

"Tu as été courageuse, Nuage de la Liberté. Je suis fier de toi, je n'en attendais pas moins de mon apprentie. Rentrons au camp. Nous devons faire examiner ses blessures par le guérisseur."

Waw ! Mon mentor, Nuit Hivernale, vient d'affirmer qu'il était... Fier de moi ? Aurais-je bien entendu ? Ce compliment tire du miracle !
Mais ma joie est vite remplacée par ma douleur, qui m'arrache une nouvelle grimace. Nous ferions mieux de rentrer vite fait au camp.
Et c'est ce que nous faisons. Le guerrier noir m'entraîne à sa suite, et nous nous mettons en route vers le camp. Il aurait été pratique de trouver de la Racine de Glouteron, cette plante qui soigne les blessures, et avec quoi le chat domestique avait guéri mon frère. Malheureusement, Nuit Hivernale a cherché avant que je ne pense à cette plante, et il n'en a pas trouvé. Il ne nous reste donc plus qu'à rentrer, et aller voir notre guérisseur. Nous ne tardons pas à rentrer, et après avoir fait soigner nos plaies, mon mentor me laissa me reposer. Je l'avais bien mérité. Je m'endormis donc, d'un lourd sommeil, couchée près de ma couronne de fleur. Malgré l'incident d'aujourd'hui, ma hâte de continuer l'entraînement était grande. Nuit Hivernale était un mentor génial...

[Fin :D]