D'acc ! [désolée du retard ! xD]
♣Chapitre 2:♣
Le jour de leur baptême, Boule de Miel et Boule Étoilée furent prêtes. Feuille d’Or leur avait fait une toilette surprenante; jamais on n'avait vu pareil pelage. Fureur du Loup fit quelques pas vers elles.
« Salut, la peureuse. Un jour, avec ta queue et tes pattes, tu te feras piquer sévèrement par les abeilles, tu sais ! » nargua-t-il à l'attention de Boule de Miel.
L'intéressée serra les dents et regarda ailleurs pour éviter de céder à sa provocation.
« Sale trouillarde. »
Boule de Miel l’ignora complètement et suivit sa sœur.
Feuille d’Or vint s'installer à côté de Boule Étoilée. Le corps tout entier de Boule de Miel tremblait à l'idée d'être enfin baptisée novice et de quitter enfin la nuagière.
Mais le mieux, c'était que les autres chatons étaient en âge d'être baptisés, eux aussi. Encore quelques jours d'attente seulement et ils s'entraîneraient avec elles.
Une fois que Lune Ronde les aient appelées, la nouvelle novice était surexcitée.
« A présent, promettez-vous de rester fidèles à la tribu et de lui donner votre vie pour elle, si nécessaire ? » demanda-t-il.
Boule de Miel ravala sa salive, et sa sœur et elles jurèrent de rester fidèles, quoi qu'il en coûte.
« Alors avec l'accord de la Tribu de la Lune et votre parole, vous vous appellerez désormais Feuillage de Miel et Feuillage Étoilé. Soyez fortes et n'abandonnez jamais. » termina le vieux meneur.
Avant que les autres ne puissent brailler leur nouveau nom, Lune Ronde dirigea son regard sur une guerrière au pelage couleur sable.
« Grain de Sable, tu seras désormais le mentor de Feuillage Étoilé jusqu'à son baptême de guerrière. » annonça-t-il.
Feuillage Étoilé descendit du promontoire tremper sa patte dans de l'encre noire, attendit son nouveau mentor, et toutes deux se posèrent une patte sur l'épaule de l'autre.
« Serre d'Aigle, tu seras désormais le nouveau mentor de Feuillage de Miel jusqu'à son baptême de guerrière. » reprit le vieux meneur.
Agilement, la nouvelle novice sauta du promontoire et trempa sa patte dans l'encre noire. Son mentor lui lança un regard sévère avant de tremper la sienne dans le liquide noir.
Feuillage de Miel posa sa patte sur l'épaule de son nouveau mentor, et il fit de même après un court instant d'hésitation.
C'est à ce moment que Feuille d’Or hurla leurs nouveaux noms et que tous les guerriers les hurlèrent à sa suite. C'était comme si le temps s'arrêtait.
Et là, l'apprentie sut qu'il se passait quelque chose d'anormal. Les images des guerriers qui sautaient de joie et hurlaient leurs noms passaient au ralentit sous ses yeux, du moins jusqu'à ce que Feuillage Étoilé posa une patte sur son épaule comme pour la réveiller.
« Tu te rends compte ? On est enfin devenues des apprenties ! Fini la nuagière ! s'exclama-t-elle, aux anges.
– Oui, c'est vraiment super...» répondit sa sœur sans grand enthousiasme.
Feuillage Étoilé faillit sursauter.
« Et dire que tu étais surexcitée tout à l'heure ! » elle prit un air plus sérieux. « Quelque chose ne va pas, on dirait.
– Je ne sais pas trop. J'ai l'impression que quelque chose est passé sous nos yeux sans que l'on s'en soit aperçues...»
Qu'est-ce que cela pouvait bien être?
Elle prit un air gêné.
– Feuillage de Miel...ce n'est tout de même pas à cause de la mort de Fleur d'Argent ? »demanda-t-elle.
L'intéressée lança un regard triste vers la nuagière. Était-ce cela qui la troublait ? Peut-être.
« Il y a peut-être un peu de ça. Mais, quelque chose me dit qu'il y a un problème...
– Quel genre de problème ?
– Ça ne vient pas d'ici. Je le sens. »
Une pensée éclaira son esprit un instant. Elle n'eut pas le temps d'en informer sa sœur, car Feuille d’Or se dirigeait vers elles.
« Félicitations, toutes les deux! Vous méritez grandement d'êtres baptisées novices ! » les félicita-t-elle.
Que pensait donc Feuille d’Or en miaulant cela ? Pourquoi méritaient-elles grandement d'êtres baptisées novices ? Feuillage de Miel avait repéré quelque chose d’anormal dans le ton de sa voix.
« Pourquoi grandement, Feuille d'Or ? Nous n'avons pas fait d'acte héroïque ou un truc dans le genre, si ? demanda-t-elle aimablement, avec tout de même une pointe de curiosité.
– Pardon ? ...oh, ne faites pas attention à ce que je viens de dire. Je pensais tout haut, à vrai dire.
– Que ce soit penser ou miauler tout haut, cela revient au même ! s'offusqua-t-elle.
– Non non, je t'assure, Feuillage de Miel, que je ne voulais pas miauler cela. C'est venu...tout seul.»
Avec un air pensif, elle rejoignit ses amies.
Une fois que les nouvelles apprenties furent félicitées par tant de guerriers, elles purent commencer l'entraînement.
Eh oui, un entraînement. C'est pourquoi Lune Ronde faisait toujours les baptêmes tôt le matin pour que les nouveaux novices puissent s'entraîner jusqu'à midi.
« Nous allons commencer sur un terrain facile ; les sables mouvants. L'ennemi est piégé en vous regardant bouger de gauche à droite, et il s'enfonce profondément dans le sable avant d'être ramené à sa tribu, miaula Serre d'Aigle.
– Très bien. Nous, nous irons près de la rivière de sable. La Tribu de la Pluie sera piégée en regardant cette rivière, car elle ressemble tellement à la leur qui la confonde presque. A ce moment, on peut attaquer l'ennemi avec une technique un peu spéciale, décida Grain de Sable, le mentor de Feuillage Étoilé.
– Mais avant cela, il vous faut gagner endurance, force, vitesse et bien sûr, agilité, reprit Serre d'Aigle, certain de les dégoûter.
– C'est pourquoi vous allez courir sur une bonne dizaine de mètres aller-retour, pendant...disons...neuf rayons de soleil ?
– C'est cela.» confirma le mentor de Feuillage de Miel.
Neuf rayons de soleil! Eh bien, on pouvait dire que ça commençait fort...
Une fois sur le terrain, les autres apprentis suivis de leur mentor apparurent.
« Feuillage de Miel, je présume ? demanda aimablement l'une d'entre eux en l'observant attentivement.
– Exact. Il faut dire que ce n'est pas très difficile à trouver... répondit l'intéressée.
– Je te demande pardon, je n'ai pas entendu la suite. Exact quoi ?
– Non, rien. Oublie ce que j'ai dit.»
La novice dévisagea un instant Feuillage de Miel avant de rejoindre un grand mâle au pelage sombre presque inquiétant. Ses yeux ambrés se plissèrent soudain.
« Alors c'est vous, les nouvelles. Autant vous prévenir tout de suite qu'un entraînement, c'est pas du bavardage avec les autres novices. Vous aurez plusieurs limites entre vous à respecter obligatoirement, miaula-t-il d'une voix inquiétante.
– Vous savez, ce n'est vraiment pas notre intention...» osa rétorquer Feuillage Étoilé d'une toute petite voix.
La tête du grand mâle sombre se tourna soudain vers elle.
« Toi, tu commences déjà à m'énerver. Je t'aurais à l'œil durant l'entraînement. » gronda-t-il. Puis, il recommença à fixer Feuillage de Miel ; « Étant donné que vous êtes sœurs, et donc complices, nous serons dans l'obligation de vous séparer. Il en va de même pour Feuillage de Glace et Feuillage Ailé. »
Qu’en sait-il ? Ce n’est pas à lui de juger les liens de famille ! songea la novice blanche, irritée.
Feuillage Étoilé voulut protester, mais sa sœur la retint juste à temps.
« Et si vous vous avisez de protester nos décisions, ça va mal aller pour vous. » grogna-t-il en voyant la novice mettre une patte sur la bouche de Feuillage Étoilé.
Tandis qu'il s'éloignait, une autre apprentie se dirigea vers Feuillage de Miel.
« Salut, Feuillage de Miel. Moi, c'est Feuillage Blanc, et elle, c'est Feuillage Noir, ma sœur. » se présenta-t-elle gaiement.
La présumée Feuillage Noir ne semblait guère s'intéresser à la nouvelle apprentie.
– Enchantée.» répondit Feuillage de Miel.
L’apprentie l’ignora complètement.
Un miaulement assez fort leur fit comprendre que l'entraînement allait commencer. Chacun avait sa propre ligne de départ tracée dans le sable mouillé.
« Vous irez jusqu'aux deux cactus, au fond là-bas. Et vous reviendrez ici. Dans neuf rayons de soleil, vous devriez faire au moins une bonne dizaine d'allers retours, ordonna Serre d'Aigle.
– Vous devriez en faire une bonne dizaine. Mais si vous bavardez, vous serez pénalisés.» renchérit le grand mâle au pelage sombre, comme pour les effrayer.
Les novices avaient tous leur propre ligne. Les mentors annoncèrent le départ.
Tous les novices partirent si rapidement que le sable brouilla la vue de Feuillage de Miel un instant.
« Eh, Feuillage de Miel ! T'es déjà super rapide pour ce premier entraînement ! » lança Feuillage Noir, qui semblait avoir retrouvé sa langue.
Elle avait raison. Feuillage Blanc et elles étaient toutes les deux en deuxième position ; et cette dernière courait loin devant.
« Ma sœur est très rapide, tu sais ! Elle est imbattable, presque comme moi ! Tu es bien la seule novice à pouvoir courir aussi vite que moi ! » miaula-t-elle ensuite avec un air fier.
L'apprentie lui fit signe de se taire en souriant légèrement, ne voulant pas l'offenser. Inutile de gaspiller sa salive pour se vanter de sa sœur.
Elle semblait vexée un instant, avant de ricaner, et de rire de plus belle.
« Quoi ? lui demanda Feuillage de Miel.
– Tu es trop naïve, Feuillage de Miel! As-tu remarqué que, lorsque je t’ai complimenté, tu t'es mise à courir plus vite ? Eh bien laisse-moi te dire une chose : tu ne feras jamais le poids contre moi ! »ria-t-elle en la dépassant sans aucun problème.
Quelle peste ! se dit-elle en ralentissant un peu pour ne pas finir essoufflée dès le premier aller-retour.
Au dixième aller-retour, six rayons de soleil s'étaient écoulés. Devant Feuillage de Miel, Feuillage Noir semblait commencer à s'essouffler. L'apprentie dut avouer que elle aussi, elle commençait à fatiguer. Tout devant, Feuillage Blanc semblait encore pleine d'énergie.
Une apprentie au pelage noir moucheté, légèrement bleuté, se moqua de Feuillage Noir ;
« Ben alors, Feuillage Noir ? On fatigue déjà ? Et c'est qui qui se vantait d'être imbattable ? »
Feuillage de Miel la foudroya du regard.
« Tu n'as pas à te moquer d'elle comme ça ! » feula-t-elle.
– Non, mais pour qui tu te prends ? Oh, mais c'est Feuillage de Miel ! On dit que t'es plutôt rusée. A ce qui paraît, quand t'étais qu'un chaton minable, t'aurais vaincu tous les autres. Je me trompe ?
– Quelle importance ? Tu n'as pas à te moquer des autres comme cela, je te le répète.
– Ah oui? Et qui va m'en empêcher ? Toi ? Pff...n'y pense pas ! »
Une idée lui vint en tête en voyant des broussailles juste à côté d'elles. Elle lui fit un clin d'œil malicieux.
« Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai tout ce qu'il me faut ! »lui miaula-t-elle.
Sous son air surpris, elle courut vers Feuillage Noir.
– Écoute-moi, Feuillage Noir. Tu vois les broussailles, là-bas ? A mon signal, on sautera dedans.
– Mais enfin, tu as perdu la raison ou quoi? Nos mentors nous surveillent, je te rappelle !
– Justement.»
Puis, n'attendant pas de réponse de sa part, Feuillage de Miel se dirigea vers la novice au pelage bleuté.
« Je parie que tu n'es pas capable de sauter dans les buissons juste à côté de toi !
– Pardon ?! Tu me prends pour une mauviette ou quoi ?! Bien sûr que j'en suis capable ! Regarde !»
Aussitôt, elle sauta dans les buissons. Parfait. Il ne lui restait plus qu'à donner le signal à Feuillage Noir.
« On y va, Feuillage Noir ! Fais ce que je te dis, et tout ira bien !
– Euh...d'accord, mais tu me diras pourquoi Feuillage de Plumes a sauté brusquement dedans, d'acc ? »
– Promis. »
Ensemble, elles sautèrent dans les buissons. Feuillage de Plumes était étendue sur le sol, une écharde dans sa patte.
« Aidez-moi ! Ça pique ! les supplia-t-elle.
– D'accord, mais promets-moi de ne plus te moquer des autres. » répondit l'apprentie blanche.
Elle feula un instant avant de gémir à nouveau.
« Et promets-nous aussi de ne rien dire à nos mentors, ni à qui que ce soit, compris ? » tonna Feuillage Noir.
– Mais...mais je ne peux pas faire ces promesses ! protesta-t-elle.
– Tu veux qu'on t'enlève cette épine de ta patte, oui ou non ? gronda Feuillage Noir.
– OK, OK ! Je fais ces promesses, et je les tiendrais, promis ! » céda-t-elle.
Feuillage de Miel réussit à enlever l'épine de sa patte sans lui faire mal, et sans rencontrer de difficultés.
Son mentor surgit soudain des buissons.
« Eh ! Mais qu'est-ce que vous faites tous là ? La sieste ? feula-t-il, visiblement hors de lui.
– Non, pas du tout. C'est juste que Feuillage de Plumes a rencontré une épine dans son chemin, et elle a bondit de douleur jusqu'ici. Nous, on l'a vue et on a tout de suite accouru. » répondit la novice avec calme, avant que Feuillage Noir ne puisse dire un mot.
L'expression du visage de Serre d'Aigle se radoucit.
– C'est très bien, Feuillage de Miel et Feuillage Noir. Heureusement que vous l'avez vue. Avez-vous réussi à enlever cette épine ?
– Oui, elle va mieux, grogna Feuillage Noir, peu satisfaite de l'explication des faits de Feuillage de Miel.
– Pour vous récompenser, votre course s'arrêtera là. Combien d'allers retours avez-vous faits ?
– On a toutes les deux fait dix allers retours, et Feuillage de Plumes aussi. » répondit poliment son apprentie.
Il semblait satisfait.
– C'est très bien pour un début, Feuillage de Miel ! »puis, il se tourna vers les deux autres novices. « Quant à vous, je suis déçu. Vous auriez dû faire au moins vingt aller-retour.»
Elles en restèrent bouche bée.
« Mais non, je rigole! Vous avez très bien couru. » plaisanta-t-il.
Le grand mâle au pelage sombre surgit des buissons peu après.
« Tu les as eues, Serre d'Aigle ! Parfait. Maintenant, vous allez courir cinq rayons de soleil supplémentaires, à partir du début, bien sûr. Ce qui vous fera quinze rayons de soleil à courir, gronda-t-il, menaçant.
– Je t'explique la situation, Vision du Futur. Elles ont fait un acte héroïque pour sauver leur amie. » l'interrompit Serre d'Aigle, avant que le mâle menaçant donne un coup de patte aux apprenties en guise de correction.
Une fois que Vision du Futur su ce qu'elles avaient fait – du moins, ce qu'elles ont raconté pour ne pas se faire punir –, il grogna un peu et maugréa un petit « bravo, bien joué »sans enthousiasme. A croire que ça le tuait de dire un truc pareil.
Il les emmena au camp, pour expliquer la situation à Lune Ronde. Il voulait sans doute prendre une décision.
« Vision du Futur, mais que...?»
– Feuillage Noir et Feuillage de Miel ont sauvé Feuillage de Plumes. Elles méritent de prendre un peu de repos, tu ne crois pas ? »
Cela faisait bien la première fois que Feuillage de Miel l’entendait parler si aimablement. Avait-il un côté caché, comme la lune?
« Mais enfin, Vision du Futur ! Tu ne peux pas te permettre d'arrêter leur entraînement pour aujourd'hui ! Combien d'allers retours ont-elles parcouru ? Dans combien d'arbres ont-elles grimpé ? Combien de longueurs ont-elles parcourues ? Combien de coups ont-elles réussi pour décourager l'ennemi ? Ça n'a aucun sens ! s'énerva le meneur.
– Je te rappelle que c'est le premier entraînement de Feuillage de Miel. Pour les autres, elles peuvent y retourner, si tu le désires.
– Hmm...Soit. », accepta-t-il, presque à contrecœur. « Feuillage de Miel est autorisée à rester ici. Feuillage de Plumes également, car c'est la victime, en quelque sorte. Par contre, Feuillage Noir y retourne immédiatement.
– Mais, j'ai moi aussi sauvé Feuillage de Plumes ! Je devrais rester ici, moi aussi ! » protesta aussitôt la novice, bien déterminée à convaincre le meneur qu'elle méritait de rester au camp.
Les poils de Lune Ronde se dressèrent.
« Ah, et qu'as-tu fait, au juste ? De quoi Feuillage de Plumes souffrait-elle ? Ça n'avait pas l'air si terrible, puisqu'elle m'a l'air en pleine forme, miaula-t-il soudain d'un ton inquiétant, qui fit presque sursauter Feuillage de Miel.
– Elle avait une épine coincée dans sa patte. Cela s'est aggravé, puisqu'elle a couru plusieurs mètres avant que l'épine ne s'enfonce plus profondément. C'est là qu'elle a sauté de douleur jusqu'aux buissons, répondit Feuillage de Miel à la place de la novice.
– Donc, si je résume, Feuillage Noir a enlevé cette épine. » soudain, il se tourna vers la chatte blanche et miel d'un vif mouvement, et la foudroya du regard. « Et toi, du coup? Tu n'as rien fait, si je comprends bien votre histoire ! »
La jeune novice savait où il voulait en venir. Elle était prête à y retourner. C'était ce qu'elle désirait le plus entre aller là-bas et s'ennuyer à mourir ici.
« Disons que...c'est moi qui l'ai enlevé. Mais Feuillage Noir a fait le plus gros. Je devrais retourner m'entraîner, et Feuillage Noir et Feuillage de Plumes devraient rester là. Elles le méritent, vous savez. » répondit-elle d'un ton très calme, ne voulant pas offenser le meneur.
Il réfléchit quelques instants.
« Feuillage Noir n'a absolument rien fait, pour tout vous dire. Elle n'a fait que regarder Feuillage de Miel m'enlever cette épine profondément enfoncée. En fait, quand Feuillage de Miel a sauté dans les buissons à mon secours, Feuillage Noir a profité de cette occasion pour la suivre, en pensant qu'elle pourrait rater le reste de l'entraînement. » expliqua la chatte noir moucheté faisant un clin d'œil à sa sauveuse.
Mais qu'est-ce que tout cela signifie ? Feuillage de Plumes doit certainement en avoir contre Feuillage Noir pour défendre ma cause ! songea Feuillage de Miel.
« Oh, je vois ! Feuillage Noir est une feignante qui ne pense qu'à roupiller à longueur de journée ! Et dire que j'allais renvoyer Feuillage de Miel à l'entraînement ! Puisque c'est comme ça, Vision du Futur, ramène immédiatement Feuillage Noir à l'entraînement, et ajoute-lui trois rayons de soleil de plus à courir ! » ordonna Lune Ronde.
Le grand mâle inquiétant s'exécuta, et dû même prendre Feuillage Noir par la peau du cou pour éviter qu'elle ne revienne en arrière. Cette dernière crachait de mépris et foudroyait Feuillage de Plumes et Feuillage de Miel du regard.
« Et dis aussi à Serre d'Aigle de venir pour surveiller les deux apprenties, Vision du Futur ! » lui cria Lune Ronde alors que celui-ci disparaissait dans le tunnel lumineux.
Serre d'Aigle. Quel drôle de mentor. L'apprentie n'oublierait jamais ce regard qu'il lui avait lancé, à moitié de tristesse et de pitié. Est-ce que cela le dérangeait d'être son mentor ?
« Feuillage de Miel, encore merci de m'avoir enlevé cette épine, la remercia Feuillage de Plumes, reconnaissante.
– Alors, as-tu compris la leçon, à présent ? demanda Feuillage de Miel.
– Oui. Je ne me moquerais plus des autres comme ça. J'ai compris qu'en fait, Feuillage Noir voulait faire sa maligne, mais elle a eu tort de le faire. Elle s'est fait du mal à elle-même.»
L'apprentie acquiesça en souriant.
– Tu as raison, Feuillage de Plumes. Le plus important, c'est de comprendre son acte, et d'apprendre à ne plus le refaire.»
– Je...je ne voulais pas être méchante, tu sais, Feuillage de Miel. Je...je ne sais pas ce qui m'a pris...»bafouilla-t-elle, confuse.
– Je ne t'en veux pas, Feuillage de Plumes. Tu as reconnu ton erreur, et tu t'es même pardonnée. C'est le principal. »
– Et si nous allions...parler dans la tanière des novices ? » lui proposa-t-elle d'un air un peu gêné.
La jeune chatte blanche lui fit comprendre qu'elle était d'accord en me dirigeant vers notre tanière. Feuillage de Plumes se roula en boule sur son nid et ferma les yeux. D'un signe, elle la pria de faire de même.
Feuillage de Miel battit des cils, un peu surprise, puis finit par s'endormir profondément après s'être roulée en boule dans son nid.
Devant elle se dressait soudain un gigantesque portail d'or avec du lierre entourant ses fins barreaux. En regardant les alentours, elle s'aperçut que Feuillage de Plumes était juste à côté d'elle.
« Je...je n'ai pas osé en parler à la guérisseuse, alors… balbutia-t-elle.
– Pourquoi as-tu fait appel à moi pour t'aider ? Tu crois franchement que je sais quelque chose sur ce portail, que je n'ai d'ailleurs jamais vu de ma vie ?
– Ce n'est pas ce que tu crois...ils t'ont appelé, Feuillage de Miel. Mais comme tu ne venais jamais, ils ont fait appel à moi pour te dire de venir ici. Tu es enfin venue de ton plein gré. Ça me rassure, expliqua-t-elle vaguement.
– Mais enfin, tu es une sorcière ou quoi? Je ne voulais pas me retrouver ici ! » paniqua-t-elle, surprise de son acte.
Feuillage de Plumes soupira.
« Tu as devant toi un portail d'or et de plante qui marque le début du Passage Céleste. Jamais personne n'a su l'ouvrir.
– Et ? Tu espères l'ouvrir ? lui demanda-t-elle en commençant à s'énerver.
– Sans ton aide, impossible de l'ouvrir. Dans notre tribu, tu es la seule à avoir un destin hors du commun.
– D'accord, et comment vas-tu faire pour l'ouvrir, à présent ? »
Sans lui répondre, un chat apparut soudain devant le portail. Son pelage était blanc lustré et il avait les yeux bleus glacés. Lorsque son regard perçant croisa celui de Feuillage de Plumes, il miaula d’une voix étonnement grave – il paraissait très jeune !
« Excellent, jeune novice. Voici exactement ce qu'il faut pour ouvrir le Passage Céleste.»
Feuillage de Miel paniqua de plus belle.
« Où suis-je, d'abord ? Je veux rentrer chez moi immédiatement ! »
De la poussière d'arc-en-ciel sortit brusquement de son pelage et entoura tout le magnifique portail d'or. La porte grinça et s'ouvrit lentement.
Presque aussitôt, un escalier fait d'étoiles leur fit face.
« Allons-y, Feuillage de Miel. Je t'interdis de reculer.
– C'est trop dangereux ! Le Passage Céleste est la limite de la Tribu de la Lune ! Je refuse d'y pénétrer. De plus, la lune n'est pas alignée à la Ligne Céleste. »
Un guerrier-lune surgit de nulle part et referma le portail. L'escalier d'étoiles disparut, ainsi que le mystérieux chat qui gardait le portail, et la poussière d'arc-en-ciel revint dans son pelage, comme si rien ne s'était produit.
« Assez de bêtises, maintenant. Retournez dans votre monde. Tout de suite ! » feula le guerrier-lune.
Feuillage de Miel se réveilla en sursaut. A côté d'elle, Feuillage de Plumes semblait dormir profondément. Elle la secoua un peu, mais elle ne bougea pas d'un poil. Feuillage de Miel jeta un œil dehors : le soleil était presque à son zénith, et Serre d'Aigle semblait garder l'entrée de la tanière des novices.
« Tout va bien, Serre d'Aigle ? Tu sembles...préoccupé, lui fit-elle remarquer.
– Moi ? Non, pas du tout. Lune Ronde m'a ordonné de veiller sur vous. Vous avez faim ? »
Feuillage de Miel sentit que son estomac commençait à gargouiller.
« J'avoue que mon estomac commence à demander de la nourriture. Mais Feuillage de Plumes dort encore.
– D'accord. Essaie de la réveiller, s'il te plaît. » il marqua une pause. « Bon, je dois vous laisser, toi et Feuillage de Plumes. » termina-t-il en se dirigeant vers le tunnel.
La jeune femelle au beau pelage noir moucheté sortit de la tanière des novices, l'air plus en forme que jamais.
« On attend les autres pour manger ? demanda-t-elle.
– Évidemment. » lança Feuillage de Miel avec évidence.
Elle ne répliqua pas.
Des bruits de pas résonnèrent dans le tunnel. Feuillage Blanc en sortit la première, suivie de sa sœur et de tous les autres novices.
« Allons les voir ! lança Feuillage de Plumes en se précipitant vers eux.
– Attends ! Et ton épine ?
– Quoi, mon épine ? Tu l'as enlevée, non ? » elle ajouta, en chuchotant dans l'oreille de son amie : « En vérité, je l'ai plantée moi-même dans ma patte !
– Mais enfin...comment as-tu pu faire une chose pareille ? Que t'as fait Feuillage Noir ? »
– Oh, elle m'a juste déformé mon museau ! Mais ce n'est pas grave, du moins, pour toi ! feula-t-elle.
– Comment pouvais-je le savoir ? Et que sais-tu de moi ?
– Oh ! Plein de choses. »
Sur ces mots, Feuillage de Plumes lui tourna le dos et fila à toute allure vers la réserve rejoindre les autres novices.
Ça n'a vraiment aucun sens, se dit Feuillage de Miel en allant, elle aussi, à la réserve.
Puis, elle surprit une conversation. Discrètement, elle se cacha derrière une pile de gibier, saisit une souris bien dodue et la mangea, pour se faire une excuse.
Feuillage de Glace remua la queue lorsque Feuillage de Plumes lui fit son rapport.
« Quoi ! Espèce d’incapable ! Ce n’était pas difficile pourtant, si ?
– Parle pour toi ! Un de ces saletés de guerriers-lune nous a trouvées et ramenées ici. Sans lui, j’aurais réussi ! »
Ils se turent lorsque Feuillage d’Été les rejoignirent. Feuillage de Glace grommela dans son coin et en profita pour foudroyer du regard ses deux congénères. Feuillage Étoilée, quant à elle, vint se placer aux côtés de sa sœur.
« Tu sais ce qu'on va faire cet après-midi ? demanda-t-elle à Feuillage de Miel avec enthousiasme.
– Comment pourrais-je le savoir ? » la railla-t-elle.
Feuillage Étoilé saisit une souris et la grignota en quelques instants.
– On va combattre ! C'est formidable, non ? Et j'ai bien l'intention de prendre ma revanche sur toi.
– Prendre ta revanche?
– Oui… tu ne te souviens pas? On s'est battues lorsqu'on était encore que des chatons !
– Ah oui. » répondit-elle sans enthousiasme.
Elle bailla à s'en décrocher la mâchoire et s'étira longuement, avant de mordre dans un œuf d'oiseau.
C'est alors que Feuillage d'Été s'approcha d'elles.
« Salut ! » elle s'adressa à Feuillage de Miel en murmurant: « Feuillage de Plumes ne t'a pas trop embêtée ? Tu vois ce que je veux dire…
– Non. De quoi parles-tu ? »
Mais avant que la novice ne puisse lui réponde, Feuillage Noir vint à leur rencontre d’un air dédaigneux.
« Tiens donc ! La Tribu des Faibles !
– Tu me cherches ? feula Feuillage d’Été.
– Non mais ça va là, calme ta joie !
– Tu veux te battre ?
– Amène-toi, je vais te mettre la raclée de ta vie ! répondit Feuillage Noir d'un ton méprisant.
– Vous battre ne mènera à rien ! » s'interposa Feuillage Étoilé en se plaçant au milieu des deux novices.
Feuillage Blanc restait à l'écart, ne sachant que faire. Dans quel camp était-elle?
« Tu dis ça parce que t'es trop faible. » gronda Feuillage de Glace.
Feuillage de Miel frémit ; son frère adorait se battre. Il ne manquerait pas une occasion pareille.
« Ne te mêle pas de ça, Feuillage de Glace. Tu devrais plutôt écouter ta sœur, répliqua calmement Feuillage Ailé, qui s’était assise, la queue enroulée autour des pattes.
– Ouais, eh ben ma sœur elle n'est qu'une trouillarde qui n'a rien dans le ventre ! Tss...À se demander si on fait vraiment partie de la même famille ! Parce que là...c'est mal barré ! »
Tous les apprentis se turent. Feuillage de Plumes et Feuillage Noir ricanèrent.
Soudain, Feuillage Noir se jeta sur Feuillage de Miel. L'apprentie au pelage blanc, prise par surprise, se débattait mais n'attaquait pas ; elle venait d'avoir une idée. Feuillage Noir ne cessait de lui griffer le visage.
« Tiens, ça c'est pour m'avoir ramenée à l'entraînement avec des rayons de soleil en plus ! Tu le mérite ! » feula-t-elle.
Feuillage de Glace frémissait d'excitation, et ses yeux pétillaient de plaisir. Mais lorsqu'il vit que Feuillage de Miel ne répliquait pas, il se désintéressa bien vite du combat. Alors, il sauta sur Feuillage Noir, ce qui la fit rouler sur le sable.
« Qu'est-ce que t'as, toi ? » feula l'apprentie, les griffes sorties. « J'ai des comptes à régler, alors vas jouer ailleurs !
– Pauvre imbécile. »
Il ne voulait pas s’arrêter. Aussi têtu qu'une mule, il claqua Feuillage Noir avec sa queue.
Malheureusement, le temps qu'il déroule sa queue, celle-ci heurta la tête de Feuillage de Plumes.
« Ah, tu me cherches hein ? Eh ben tu vas me trouver, espèce de vieux cactus pourri ! »rugit la novice en se jetant sur Feuillage de Glace.
Profitant de cette occasion, Feuillage Noir se jeta à nouveau sur Feuillage de Miel et mordit une de ses pattes à pleines dents, son amertume la guidant.
« Arrêtez de vous battre, ça n'a aucun sens ! » cria Feuillage Ailé.
Feuillage de Miel sentait une douleur fulgurante lui lacérer sa patte avant droite. Elle se retourna et roula au sol pour se débarrasser de Feuillage Noir, mais rien n'y fit; l'apprentie la tenait maintenant clouée au sol.
« Ce que tu peux être pathétique, Feuillage de Miel ! Je croyais que tu étais rusée, mais on dirait bien que j'avais tort ! la nargua l'apprentie noire.
– J'ai plus d'un tour dans mon sac. » rétorqua-t-elle posément dans une grimace.
Feuillage Noir se dégagea de l'apprentie.
« Ah ouais ? Bah vas-y alors, montre-moi de quoi tu es capable. Je sens que je vais bien me marrer.»
Feuillage de Miel ne se releva pas ; et de toute façon, sa patte lui faisait horriblement mal. Elle saignait abondamment, et l'apprentie blanche grimaça lorsque l'odeur du sang parvint jusqu'à ses narines.
Oh, Tribu de la Lune, aidez-moi...songea-t-elle, au désespoir.
Un éclair de fourrure rousse bouscula soudain Feuillage Noir, ce qui la fit trébucher.
Feuillage d'Été !
« Tu devrais avoir honte ! Regarde ce que tu lui as fait ! gronda-t-elle en lui montrant la patte meurtrie de son amie.
– Elle le mérite ! Elle a fait exprès de me renvoyer à l'entraînement alors que je lui avais fait confiance !
– N'importe quoi ! Ce n'est pas elle qui t'a renvoyé à l'entraînement, mais Lune Ronde ! Si elle a fait appel à toi, c'est pour que Feuillage de Plumes s'excuse devant toi ! »
Feuillage de Miel avait presque du mal à respirer tellement elle souffrait. Feuillage d'Été était si gentille avec elle!
« Ça suffit, arrêtez de vous battre ! » tonna une voix grave.
C'était Vision du Futur ; il avait l'air plus furieux que jamais.
Feuillage de Glace profita de l'inattention de Feuillage de Plumes pour la faire rouler dans le sable, en guise de coup final.
Entre-temps, Feuillage d'Été avait filé une baffe à Feuillage Noir, et s'était ensuite assise, silencieuse.
Ce ne fut que lorsque Feuillage de Miel tomba que tous les guerriers furent choqués. Serre d'Aigle accourut vers elle, ainsi qu'Étoile Guérisseuse.
« Sa respiration est trop rapide. Sa patte saigne abondamment et risque de s'infecter si je ne la soigne pas de suite. » annonça la guérisseuse.
Vision du Futur martela le sol avec ses pattes puissantes.
« Qui lui a fait ça ? Qu'il se dénonce tout de suite ! » tonna-t-il.
Le silence se fit.
– C'est Feuillage d'Été. » accusa Feuillage Noir d’un air super naturel.
– Elle ment ; regardez ses blessures. Moi, je n'en ai pas. De plus, ses crocs sont rougis par le sang. » se défendit l'accusée, très calme.
Son mentor lui avait adressé un regard sévère, mais lorsqu'elle se défendit, son regard se pencha sur Feuillage Noir.
« Encore toi. Tu commences vraiment à me gonfler ! Tu savais que tu aggravais ton cas ? Qu'espérais-tu ? La tuer peut-être ? Et en plus, tu accuses une innocente ! » hurla-t-il, si fort que Feuillage Noir plaqua ses oreilles sur sa tête.
Le grand mâle sombre saisit l'apprentie par la nuque et accrocha deux cordes autour de ses pattes avant. Puis, il enroula les autres extrémités des cordes autour d'un grand palmier ; Feuillage Noir pendait au-dessus du sol, ses pattes avant coincées dans la corde.
Vision du Futur se servit de sa queue pour fouetter violemment le dos de l'apprentie, qui hurla de douleur.
Lune Ronde et tous les autres guerriers observaient la scène sans mot dire. A croire qu'ils s'en fichaient totalement.
De son côté, Feuillage d'Été avait demandé à Serre d'Aigle si elle pouvait rester avec Feuillage de Miel. Le mâle blanc avait accepté, et en avait informé la guérisseuse.
« Tu vas pouvoir m'aider, Feuillage d'Été, annonça Étoile Guérisseuse lorsque l'apprentie rousse pénétra dans la tanière.
– Ce sera un plaisir. Que faut-il que je fasse ?
– Vas au fond de ma tanière; tu y trouveras un tonneau. Fais bien attention de ne rien renverser, compris ?
– D'accord.»
Docile, Feuillage d'Été alla au fond de la tanière : en effet, un grand tonneau de pierre était rangé sur le côté. L'apprentie le poussa du bout du museau. Pour les guerriers de la Tribu du Soleil, c'était très facile de transporter de la pierre.
Étoile Guérisseuse vérifia le contenu, hocha la tête et alla chercher un objet curieux : c'était une fiole, reliée à un tube, qui bifurquait ensuite vers un autre tube, qui se terminait dans un récipient en pierre.
« Qu'est-ce que c'est ? demanda l'apprentie, curieuse.
– C'est un « alambic ». Nos ancêtres l'ont volé aux créatures afin de pouvoir soigner les guerriers.
– Ouah, c'est très impressionnant. A quoi sert-il ?
– Prends un bol de pierre, remplis-le à ras bord du liquide qui est dans le tonneau, et verse-le dans cette fiole. Fais vite, s'il te plaît. Nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous. »
Sans perdre une seule minute, Feuillage d'Été saisit le plus gros récipient de pierre qu'elle trouva et le remplit à ras bord du liquide que contenait le tonneau. Puis, elle versa le tout dans la fiole qu'avait indiqué Étoile Guérisseuse.
« Parfait. Pendant ta manipulation, j'en ai profité pour donner de l'aubépine à Feuillage de Miel.»
Sous l'alambic, les deux femelles durent allumer un feu pour faire chauffer le curieux liquide, jusqu'à ce qu'il bout.
Malheureusement, cela prenait beaucoup de temps. Et pendant ce temps, Feuillage de Miel souffrait.
Feuillage d'Été se pressa contre l'apprentie à la patte meurtrie, qui n'avait cessé de saigner jusqu'alors.
« Ça va aller. Étoile Guérisseuse et moi sommes en train de te préparer un remède qui va te guérir. Un peu de patience. » lui souffla-t-elle doucement à l'oreille.
La pauvre apprentie au pelage blanc tremblait de tous ses membres.
« Reste au près d'elle, conseilla la guérisseuse à Feuillage d'Été.
– Tu n'as pas besoin de mon aide ? insista l'apprentie rousse.
– Je vais me débrouiller, ne t'inquiète pas.»
Quelques minutes plus tard, le liquide se mit à bouillir. La vapeur passa alors dans le long tube, dressé vers le haut, puis poursuivit son chemin vers celui qui bifurquait à droite, pour finalement se refroidir et finir en liquide encore plus mystérieux, dans le récipient de pierre.
Étoile Guérisseuse pressa une boule de mousse sur le liquide ; il était incolore, comme de l'eau. Puis, elle s'approcha vers Feuillage de Miel et en profita pour glisser à l'oreille de l'apprentie :
« Ça va horriblement lui piquer la patte. Il faut que tu la rassure, afin d'apaiser sa douleur.
– Compte sur moi.»
En effet, lorsque la guérisseuse frictionna le liquide contre la patte de Feuillage de Miel, l'apprentie miaula de douleur.
Feuillage d'Été lui lécha les oreilles et passa sa queue sur son dos, car sa fourrure s'était hérissée.
« Feuillage d'Océan, j'ai besoin de ton aide. » appela Étoile Guérisseuse.
D'après les rumeurs, Feuillage d'Océan était très timide et donc ne s'adressait jamais aux autres apprentis. Il mangeait les proies que son mentor lui ramenait, et restait enfermé toute la journée dans la tanière, sauf quand il s'agissait d'aller ramasser des plantes.
« Oui, Étoile Guérisseuse ? demanda-t-il d'une toute petite voix.
– Va me chercher une pommade, et fais vite.
– J'y cours.»
Quelques secondes plus tard, il revint bredouille, l'air complètement paniqué.
« Il...il n'y en a plus ! s'agitait-il.
– Calme-toi, Feuillage d'Océan. Feuillage d'Été va t'aider pour en fabriquer une.»
L'apprentie au pelage roux se leva.
« Tu n'as juste qu'à me dire ce qu'il faut faire. » dit-elle, déterminée à soigner son amie.
– D...d'accord...alors, il faut...de la Camomille, du Saindoux, euh...de l'alcoolature de Calendula...de...de la cire d'abeille...et puis...des huiles essentielles...voilà, je crois que c'est tout...
– Bon, alors il n'y a plus qu'à rassembler tout ça! Moi, je m'occupe du plus simple, parce que je ne suis pas guérisseuse: c'est à dire que je vais prendre la Camomille, le Saindoux et la Calendula.
– B...bien, je...je me charge...du reste...»
Feuillage d'Été se débrouilla pour retrouver l'emplacement de la Camomille, ensuite elle se chargea du Saindoux, et enfin, elle ramena de la Calendula bien fraîche, qui venait du fond de la tanière. Feuillage d'Océan fut plus long à ramener les autres ingrédients. Cela fait, il récupéra l'alcool obtenu avec la Calendula, le mélangea avec la cire d'abeille, le Saindoux et la Camomille.
Mais il manquait encore les huiles essentielles. Feuillage d'Océan prit un récipient où il était inscrit « vitamine E », ajouta des amandes et mélangea le tout.
« V...voilà. Maintenant...il...il faut tout mélanger...» dit-il.
Les deux apprentis se pressèrent encore. Feuillage d'Été ajouta une pétale de Camomille, ensuite le Saindoux et l'alcool de Calendula. Feuillage d'Océan y ajouta la cire d'abeille et l'huile essentielle. L'apprenti-guérisseur mélangea jusqu'à ce que cela fasse une sorte de pâte assez crémeuse, puis la donna à Étoile Guérisseuse.
« Vite, allez chercher un cataplasme, pendant que j'applique la pommade sur la plaie! Ça saigne encore plus que tout à l'heure ! » les pressa-t-elle.
Feuillage d'Été allait y aller, mais Feuillage d'Océan la devança.
Il revint à la vitesse de l'éclair, un objet en argile entre les dents. Étoile Guérisseuse finissait d'étaler le remède sur la patte de Feuillage de Miel. Elle saisit le cataplasme puis le plaça sur la plaie de l'apprentie.
« Je...je ne comprends pas...ça ne s'arrête pas de saigner...je crois que la plaie s'est infectée...» bafouilla la guérisseuse, tête basse.
Feuillage Étoilé et Feuillage Ailé s'annoncèrent à l'entrée. Feuillage d'Été leur fit signe qu'elles pouvaient rentrer.
« Étoile Guérisseuse, comment va Feuillage de Miel ? demanda Feuillage Étoilé.
– Elle va s'en sortir, n'est-ce pas ? » ajouta Feuillage Ailé avec un frisson.
La guérisseuse ne savait franchement pas quoi leur dire.
– Je n'en sais absolument rien...ce n'est pas normal, son rythme cardiaque ne cesse d'augmenter, et sa plaie ne cesse de saigner...
– Tout ça, c'est de la faute à Feuillage Noir! Je vais lui mettre une de ces raclées ! » s'énerva Feuillage d'Été.
Vision du Futur apparut alors.
« C'est inutile, mon apprentie. Je viens de fouetter Feuillage Noir, je n'avais pas le choix. Elle a beaucoup souffert, mais elle le méritait. » son regard s'assombrit. « Vous trois, on y va. » s'adressa-t-il ensuite aux apprenties.
-Je peux rester? Feuillage de Miel a besoin de compagnie. » demanda Feuillage d'Été.
- Tu iras la voir après l'entraînement. » répondit son mentor en se retournant.
Les trois apprenties le suivirent après avoir jeté un dernier regard à la blessée. Dehors, les guerriers feulaient et crachaient sur Feuillage Noir, qui avait le dos meurtri après être fouettée.
La queue de Lune Ronde fendait l'air tel un fouet. Ses yeux plissés lançaient des éclairs à l'apprentie noire.
Feuillage Blanc observait sa sœur d'un air honteux. Jamais elle n'aurait osé faire une telle chose à Feuillage de Miel.
Mais qu'avait-elle fait pour la rendre si en colère contre elle?
L'apprentie au pelage blanc vint à la rencontre de sa sœur.
-Pourquoi tu lui as fait ça, Feuillage Noir? Qu'est-ce qu'elle t'a fait?»
-Te mêle pas de ça, ok? Désormais, je ne te considérerais plus comme ma sœur ! » feula celle-ci.
Feuillage Blanc en resta bouche bée; comment Feuillage Noir pouvait-elle dire ça, là, tout d'un coup? Pour qui se prenait-elle?
Elle savait bien que certains guerriers avaient une face cachée, comme la lune, mais là...
Les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu'elle vit les autres apprenties. Curieuses, celles-ci s'approchèrent.
-Feuillage Blanc?! Pourquoi est-ce que tu pleures? Feuillage Noir t'a fait du mal, à toi aussi ? » demanda gentiment Feuillage d'Été.
-Elle m'a dit que désormais, elle ne serait plus ma sœur ! » pleura l'apprentie blanche en fourrant son museau dans la fourrure de son amie, où elle éclata en sanglots.
-- C'est pas vrai ! » s'énerva Feuillage Étoilé.
-Ne cédez pas à ses provocations, surtout. Il faut que nous restions calmes. De toute façon, Vision du Futur lui a donné une bonne correction. » les mit en garde Feuillage Ailé.
-- Oui, mais ça ne suffit pas ! » rétorqua Feuillage d'Été, sa queue enroulée autour de Feuillage Blanc pour la réconforter.
Feuillage de Plumes apparut alors.
-- Pourquoi Feuillage Blanc chiale ? » demanda-t-elle d'un ton méprisant.
Feuillage de Glace trottait derrière elle, comme s'il ne s'était rien passé entre eux.
-Elle ne chiale pas, elle pleure! Et si elle pleure, c'est parce que Feuillage Noir lui a annoncé qu'elle ne voulait plus être sa sœur. » la rabroua Feuillage d'Été.
-Et alors? Moi non plus je veux pas être votre frère, je n'ai jamais voulu l'être, et ça vous fait chialer ? » rétorqua Feuillage de Glace.
-- Tu nous l'as pas feulé en face ! » rétorqua Feuillage Étoilé.
-- En plus, tu ne le pense pas vraiment. » ajouta Feuillage Ailé avec malice.
Feuillage de Plumes arracha Feuillage Blanc de la queue de Feuillage d'Été brusquement.
-Pauvre petite chose, tu chiales juste parce que Feuillage Noir ne veut pas être ta sœur? Eh bah ça se comprend qu'elle ne veut plus l'être! Tu savais que dans la tête, il y avait un cerveau au moins ? » lui cracha-t-elle à la figure.
-Tu ne sers à rien dans notre tribu! On a pas besoin de guerriers qui chialent comme toi ! » ajouta Feuillage de Glace sur le même ton.
Feuillage Blanc hurla.
-Laissez-la tranquille, ou je vous casse la figure ! » vociféra Feuillage d'Été, incapable de rester là sans rien faire.
-Non! Attends, laisse-moi leur parler. » lui murmura Feuillage Ailé à son oreille.
L'apprentie au pelage roux resta la regarder, avant d'essayer de se calmer en s'asseyant. Feuillage de Plumes tenait toujours Feuillage Blanc dans sa queue.
-Pourquoi lui faire subir un tel sort? Juste parce qu'elle pleure? Je crois que c'est vous, les minables. Vous saviez que les vrais guerriers s'entraidaient et acceptaient les difficultés de chacun ? » leur demanda Feuillage Ailé, parfaitement calme.
-- Et tu savais que les vrais guerriers ne chialaient pas pour un rien ? » répliqua Feuillage de Plumes d'un ton acerbe.
-Elle ne pleure pas pour un rien ! » feula Feuillage d'Été. «Vous êtes tellement minables que vous ne vous rendez même pas compte de ce que les autres peuvent ressentir !
-Exactement! De toute façon, à quoi ça vous sert de vous moquer des autres? Hein ? renchérit Feuillage Étoilé.
-- Ça sert juste à pointer du doigt leurs difficultés et à les faire souffrir. » renifla Feuillage Ailé.
Feuillage Blanc mordit dans la queue de Feuillage de Plumes, qui gémit de douleur avant de la relâcher. Puis, l'apprentie blanche vint se réfugier auprès de ses amies, le pelage hérissé.
-Viens, Feuillage de Glace. Allons rejoindre Feuillage Noir ; elle, au moins, elle deviendra une vraie guerrière. » marmonna Feuillage de Plumes avant de battre en retraite.
-- Ouais, t'as raison. » approuva celui-ci. Puis, il se tourna vers les apprenties: «De toute façon vous êtes tellement faibles que j'ai la flemme de vous combattre.»
-- C'est parce que tu ne fais pas le poids face à nous ! » rétorqua Feuillage Étoilé.
Le novice se détourna et suivit Feuillage de Plumes, ne prêtant plus aucune attention aux apprenties.
-- Ils n'ont aucune chance, à trois contre cinq ! feula Feuillage d'Été, sa queue battant l'air rageusement.
-Merci de m'avoir sauvé des griffes de ces minables.»bredouilla Feuillage Blanc, reconnaissante.
-C'est la moindre des choses.»ronronna Feuillage Ailé, contente qu'une bataille inutile n'aie pas eue lieu.
Le petit groupe se rendit alors compte qu'il était temps de repartir à l'entraînement; leurs mentors les attendaient près du tunnel, avec Feuillage de Glace, Feuillage de Plumes et Feuillage Noir qui pouffaient entre eux.
-On forme une équipe maintenant! Pas vrai les filles?»lança Feuillage Étoilé.
-N'oublions pas Feuillage de Miel!»protesta Feuillage d'Été.
Le Feuillagere de Feuillage Blanc se noua.
-On va devoir combattre ces brutes, annonça-t-elle en les désignant du bout de la queue. «Je n'ai aucune envie de combattre ma sœur.»ajouta-t-elle avec un frisson.
Ses amies restèrent la fixer, incrédules.
-Après ce qu'elle t'a fait, tu n'as pas envie de lui donner une bonne correction?!»s'étonna Feuillage d'Été.
-Si, bien sûr, mais...elle reste ma sœur...»
-Et alors? Je serais bien obligée de combattre Feuillage Ailé ou Feuillage de Glace, moi!»rétorqua Feuillage Étoilé.
-Tu oublies que Feuillage Noir est du côté de ces brutes, tout en restant la sœur de Feuillage Blanc.»fit remarquer Feuillage Ailé.
-Ce n'est pas le cas de Feuillage de Glace, par exemple?»
Feuillage Ailé resta la regarder, ne sachant que dire.
-Bref...tout ça pour te dire, Feuillage Blanc, que tu dois te concentrer sur ta méthode de combat, et faire comme si Feuillage Noir était ton mentor ou ton amie.»trancha Feuillage d'Été.
-D'accord...mais ne ferait-on pas mieux d'y aller? Nos mentors nous attendent.»miaula Feuillage Blanc, gênée.
Les apprenties approuvèrent, et se dirigèrent vers le tunnel.
[suite dans le chapitre 3.]