Amère aventure. - pv menthe gouttes tigrou

Parce que la beauté ne suffit pas.
Encore une journée sombre. Pleine de dangers ; d'inconstance et d'imprévu. La pluie n'avait de cesse de tomber. Le ciel n'avait de cesse de déverser sa tristesse sur la terre et la forêt. Pourtant, celle-ci n'en avait guère besoin. L'hiver commençait justement à venir pointer le bout de son nez, attendant avec une impatience non feinte la venue des premiers flocons. La saison des feuilles mortes en était à sa fin. L'air se rafraîchissait de plus en plus, chaque rosée matinale devenant peu à peu brumeuse puis gelée. La terre n'avait pas besoin de plus d'eau que ça, déjà bien assez gorgée par un automne pluvieux.

De ses poils dégoulinaient quelques gouttelettes, tandis que d'autres se contentaient de rester perchées au reste de son pelage. D'autres encore se pavanaient sur le haut de son museau et s'amusaient à couler le long de ses moustaches, le faisant frémir et secouer ses vibrisses. Et bientôt, un soupir passa la barrière de sa gueule. Encore une journée grise ... Normalement, il n'était pas du genre à se plaindre quotidiennement. Mais là, c'était clairement plus possible. Les jours défilaient, fidèles les uns aux autres, toujours aussi mauvais. Et ça avait tendance à influencer sur son humeur, qui loin d'être passagère, restait chaque jour un peu plus bloquée sur frustration, déprime. Et non, sa récente patrouille proche de la frontière avec le clan du Vent n'y était pour rien. Vraiment. C'était avec cette pauvre résolution qu'il essayait de se convaincre ; vainement il va de soi. Mais d'ici-là à ce qu'il accepte cette réalité ... Il y avait encore quelques pas à parcourir et quelques gouffres à franchir pour y parvenir.

Tout était devenu si calme ... Lorsqu'il ouvrit les yeux, ce fut pour constater qu'il ne pleuvait plus. Le brouhaha qu'avait provoqué la pluie en tombant s'était estompé, rendant la forêt aussi silencieuse qu’une veillée funèbre. Il baissa la tête, regardant ses pattes - boueuses au passage. Une musaraigne, bien maigre, trônait entre elles. Clairement, ce n'était pas avec ça qu'il allait nourrir le clan. Mais c'était tout ce qu'il avait réussi à ramener. Quant à la rivière, raison obscure, il n'avait pas réussi à s'y aventurer. Pas envie, pas de motivation. Allez savoir. Fouillez sa tête et dites-moi ce que vous y trouverait. Il prit son maigre butin entre ses crocs, franchit le tunnel d'entrée et déboucha sur le camp. Une petite ferveur y régnait, entre les apprentis et les allers et venues des guerriers. On pouvait même entendre quelques faibles miaulements venant de la pouponnière. Déposant la musaraigne, il capta quelques petites brides de paroles. À propos de deux apprentis qui étaient partis, il y a quelques temps de ça, se faire une expédition chasse. Pas franchement important. Lorsqu'il se détourna pour aller se réfugier dans la tanière des guerriers, il entendit son nom, hélé par un tiers. Nouveau soupir.

Et voilà maintenant qu'il se retrouvait à chercher deux apprentis, Nuage de Menthe et Nuage de Gouttes. On ne savait pas par où ils étaient partis, juste qu'ils avaient dit se faire une partie de chasse. Et lui était contraint de les accompagner ; “ ils sont jeunes, et pas forcément très expérimentés. Va avec eux, sans les guider mais en veillant sur eux. Pas que je sois inquie-. ” Cri de Lune coupa la parole de l'autre d'un battement de queue et s'en alla vers le tunnel.
Il avait réussi à retrouver leur trace. Et plus il avançait, moins tout ça lui plaisait. Parce qu'il connaissait par cœur le chemin qu'il foulait ; parce que ses pattes l'avaient piétinées un nombre incalculable de fois. Le vent le lui confirma. Il approchait de cette frontière. Imperceptiblement, son cœur se serra. Ce n'est pas le moment. Il n'avait pas le temps pour ça ; il devait faire en sorte que les deux apprentis s'éloignent le plus rapidement possible de la frontière. Et puis un accident était si vite arrivé ... Bientôt des éclats de voix se firent entendre et en quelques bonds, il rattrapa les deux chasseurs.