And the wind I know it's cold. [Patte de Glace]

Le temps s'écoulait lentement. Trop lentement, bien trop lentement. Les journées s'écoulaient les unes après les autres, sans que rien ne vienne briser leur cours paresseux aux yeux de la féline qui s'était mise à errer dans l'enceinte du camp de l'Ombre. Son apprenti avait disparu. On ne lui en avait pas confié de nouveau et elle n'était pas sûre d'en avoir envie de toutes les façons. Son amour avait disparu. Et jamais elle n'aimerait plus, jamais elle ne ressentirait cet apaisement qu'elle avait lorsqu'elle était aux côtés de Chagrin des Ogres, cette joie tranquille que pouvait provoquer leurs discussions les plus futiles ou même les plus insensées. Tout ça, c'était bel et bien fini. A vrai dire, Evanescence des Espoirs se demandait souvent si tout n'était pas fini, tout simplement. Si la piètre pièce de théâtre qu'était sa vie avait achevé tout les rebondissements de ce drame stupide et sans sens. Si tout n'était pas perdu, de toutes les manières. Si cette froideur qu'elle ressentait en elle de plus en plus souvent n'allait pas finir par geler son coeur, l'empêcher de battre, l'achever. Arrêter de la faire souffrir. Ignorer sa souffrance et essayer de survivre machinalement, voilà ce à quoi se résumait sa vie ses dernières lunes. La vie du Clan l'indifférait, de toute façon sa propre vie l'indifférait. De plus en plus souvent, elle se muait dans sa carapace d'indifférence, contenant ses peines et ses envies d'hurler sa rage sur le monde dans son esprit bouillant de mille colères et rancoeurs, et regrets et remords. Prise au piège dans l'étau de ses pensées, elle n'en voyait plus d'issu. Elle ne savait pas si elle avait envie qu'il y ait une issu, de toute façon. Ca lui était égal...

Du moins c'était ce dont elle tentait de se convaincre. Se dire que c n'était pas bien important de toute façon, parce qu'elle valait moins que les autres guerriers, que sa présence comptait peu. Qu'elle n'avait de toute façon de comptes à rendre à personne. Pas d'apprenti. Encore moins d'amis, ou de famille. Ou d'amour... Donc toujours pas de familles. Pas de chatons qu'elle aurait un jour. Oh, des chatons. De toute les manières, elle n'aurait pas aimé en avoir, non ? Froide, solitaire, étrange aux yeux des autres félins, comment aurait-elle pu faire une bonne mère ? Pour cela comme pour le reste; elle aurait été incapable. Un soupir de dégoût d'elle même sorti des babines d'Evanescence. Morose et sans but, elle s'était assisse face à la pouponnière et elle en venait à soupçonner que c'était l'aura de ce lieu qui la poussait à ce raisonnement. Le fait d'être assisse près des chatons n'était surement pas anodin, certes, mais son esprit y était pourtant grandement responsable. Au fond elle était la seule à se détruire chaque jour un peu plus. Mais tout le monde s'en fichait.

Elle aurait aimé regarder le ciel, paisiblement, contempler ses étoiles en se disant que là haut Chagrin des Ogres veillait et était fier de ce qu'elle devenait. Mais tout ce qu'elle observait en ce début de soirée, ce n'étaient que les ombres, les reflets de ses ténèbres intérieures. Nulle étoile à l'horizon...

L'horizon aussi morne, vide et plat que l'intérieur de la féline. Jusqu'à ce qu'un bruit de pattes s'extirpant de la pouponnière parvienne à ses oreilles. Elle ne s'enquit pas de l'identité du félin, n'huma as l'air pour reconnaître son odeur, n'esquissa même pas un geste pour se retourner ou apercevoir à qui elle avait affaire. Sa voix glaciale et éreintée daigna juste lancer ces quelques mots :

- Qu'est ce que tu fiche là, toi ?