Et bien... puisque je n'ai pas d'histoire particulière à vous montrer, je crée ce petit topic pour poster quelques uns de mes écrits. J'espère que dans un futur proche, une nouvelle section verra le jour. Une section où les membres pourront poster de petites nouvelles, des poèmes, et non des fanfictions entières.
Donc... le premier texte que je vous présente s'agit d'une nouvelle. Elle est assez vieille (j'étais en 2nde quand je l'ai écrite) mais elle est très importante pour moi. Cette nouvelle à été traduite en portugais puis publiée dans une revue au Brésil (non, elle n'a pas été exportée, je suis vraiment brésilienne XD). Ce petit conte à une tendance plutôt dramatique et psychologique, puisque c'est le profil de toute fiction publiée dans cette revue. Ne me critiquez pas si vous trouvez que ça ressemble à un de ces ennuyeux films français X)
Donc le voici ! (Je ferais une petite mise en page pour la nouvelle)
- Spoiler:
Mon illustration pour la nouvelle, mais refusée car "peu abstraite" x)
Une musique retentissait dans les couloirs. C’était loin d’être ces notes banales qu’un pianiste essaie de transcrire de la partition aux touches de son piano. Cette musique qui flottait dans l’air était tout à fait différente de ce qu’avait jamais joué un élève de cette Académie. C’était le genre de chose qui entre par les oreilles et qui afflue vers le cœur avant d’atteindre le cerveau. Elle variait comme les sentiments dans un être humain. Tantôt forte et tonitruante comme un tonnerre, tantôt fine et mélancolique comme la tombée de la pluie.
Portés par cette musique, les professeurs, les élèves, les employés passaient devant la salle grâce à toutes sortes d’excuses. Les employés en disant qu’ils ont oublié de nettoyer quelque chose, les professeurs prétendant vouloir boire à la fontaine (par chance, la seule fontaine était à cet étage) et les élèves disaient avoir oublié leurs affaires, ou oublié de dire quelque chose à un professeur ou même disaient vouloir se dégourdir les jambes en montant les nombreux escaliers. Leurs excuses étaient variées et s’avéraient même, souvent, très fantaisistes. Tout cela pour écouter le pianiste masqué.
Les nombreux spectateurs écoutaient sa musique, mais n’avaient aucune idée de à quoi ressemblait son auteur. « C’est surement un vieil homme cultivé et vétéran en musique que nous hébergeons dans cet établissement ! » Disaient vivement les uns, sûrs d’eux. Mais ce pianiste inconnu ne jouait ni du Bach, ni du Mozart, ni du Beethoven, ni du Chopin...aucune de ces œuvres célèbres incluses dans la culture générale.
Les passants n’avaient presque jamais le courage de faire pivoter la poignée de la porte, par peur de déranger le pianiste voilé. Les plus curieux d’entre eux essayaient et constataient que la porte était verrouillée. Puis ça s’arrêtait là. Ils n’insistaient plus. Inutile de frapper à la porte. Pourquoi vouloir démasquer un musicien si tout ce qui importe est sa mélodie ?
Dans un coin de sa chambre, l’ouvrage ouvert sur ses genoux, Alire épiait les pages de son livre derrière de rondes lunettes. Il manquait beaucoup d’éléments essentiels dans les pages qu’elle tournait sans la moindre animosité. Les hommes qui écrivaient ce genre de livre(en effet, que des hommes), n’avaient pas la moindre imagination. Ils ne faisaient que penser à leur vie et à la transmettre sur papier comme un pianiste transmet les notes d’une partition sur les touches de son piano. Cet ouvrage quelle tenait entre les mains, ce que son père considéraient comme « œuvre », n’était pour elle qu’un piètre journal intime vendu, par hasard, dans le monde entier.
Fatiguée, Alire ferma sèchement le livre et se jeta dans son lit. Ses yeux étaient rivés vers le haut, mais son regard portait plus loin que le plafond moisi qui dominait sa chambre. Dans ses mains, les doigts de la jeune fille se mirent à courir sur le lit de forme rythmée. Ce qui était habituel pour elle.
Ses pensées affluèrent vers le collège qu’elle avait quitté quelques heures auparavant. Elles se dirigèrent vers un point précis.
«A l’occasion du programme de ce mois-ci, nous allons étudier un roman autobiographique contemporain. Il va surement plaire à une certaine personne dans cette classe.» C’était le professeur de français qui avait annoncé cela avec joie. Il s’agissait d’une vieille dame au nez aussi recourbé que son dos. Elle avait dit la dernière phrase en adressant un petit sourire en coin à Alire. Grace à ce sourire, Alire sut tout de suite à quoi la sorcière qu’elle avait pour professeur faisait allusion. Elle eut donc le temps de fermer les yeux et de se préparer au pire. Ses doigts couraient sur la table, animés par la peur et la nervosité. Quand elle ouvrit les yeux, elle les baissa, sans incliner la tête. Il était là. Posé sur la table. Le dernier livre qu’elle aurait voulu étudier en classe.
A partir de maintenant, sa vie dans ce collège sera bouleversée à jamais. Alire n’osa pas jeter un regard sur ses camarades, mais leurs ricanements expliquaient qu’ils venaient de lire le nom sur la couverture. «Vous allez lire ce livre pendant ces vacances. A la rentrée, vous allez tous découvrir à quel point ce cher Georges Duvaleau est maitre de l’autobiographie. Pour moi c’est L’écrivain de cette dernière décennie» Le professeur avait dit cela dans un enthousiasme qui parvenait à blesser Alire.
Et la voilà allongée dans son lit avec Le livre entre ses mains, obligée de le lire pendant son temps libre. Obligée par son père. La jeune fille approcha le livre de son visage et osa une dernière fois lire la couverture Vie en lettres de Georges Duvaleau. Duvaleau...Elle désirait barrer ce nom avec son marqueur permanent et le remplacer par un autre. C’était cela qu’elle désirait par dessus tout. A quoi ressemblerait sa vie si son père n’était pas celui qu’il était ?
Elle l’avait vu penché sur son ordinateur à taper frénétiquement sur les touches de son clavier. Des nuits entières consacrées à ses écrits avaient creusé des cernes sous ses yeux. Des journées entières en mangeant peu l’avaient radicalement amaigri. Tout les jours qu’il avait passé à écrire ce livre l’avait transformé en un être qui ne s’importait pour personne, ni même pour sa propre fille. Autrefois c’était pareil. Il se mettait dans le même état à écrire des articles de journal. La pensé que son père n’écrivait que des faussetés sur sa vie envahissait l’esprit d’Alire. Si c’était vraiment la réalité qu’il écrivait dans ces pages pendant tout ce temps, qui oserait les lire?
Et maintenant, elle devait le lire. Un gros paquet remplis de mensonges. Elle ne pouvait pas reculer, elle serait bien obligée de le lire un jour ou l’autre de toute façon. Son père l’y obligerait.
Après avoir brusquement posé «l’œuvre» sur sa table de chevet, Alire se remit sur pied et se dirigea hors de sa chambre. Dans le couloir, elle se retrouva face à son père qui lui arborait un énorme sourire, ou plutôt, un pseudo-sourire. Georges Duvaleau était loin d’être l’homme qui a tendance à sourire. Lors des rares fois ou il le faisait, le sourire qu’il affichait n’était en aucun cas sincère. Juste un rictus. Alire connaissait son père par cœur. Quand les lèvres de l’homme étaient étirées par ce rictus, cela signifiait qu’il allait annoncer une bonne nouvelle. Une bonne nouvelle à son point de vue à lui.
Comme Alire s’y attendait (les doigts courant sur ses hanches), il parla du livre. Il avait été mis au courant qu’il était inclue dans le programme. Comment ne le saurait-il pas ? Il était très ami avec le directeur de l’école et avec la vieille sorcière qu’était son professeur de français. Qu’est ce que son père était en train de lui raconter ? Elle ne le savait point car elle l’ignora immédiatement, comme celui-ci le faisait habituellement avec elle. Il devrait surement dire le même refrain : qu’il a mis tout ses efforts sur ce livre, qu’il devait être lu, que sans ce livre ils seraient à la rue...
La gorge nouée, elle passa par son père sans lui adresser aucune parole. Elle en avait marre. Son père ne lui parlait jamais et les rares fois ou il le faisait, la conversation avait un rapport avec cette Vie en lettres de Georges Duvaleau.
Le regard de la jeune fille se posa dans un coin vide du salon. Elle repensa au piano acoustique qui se tenait là, autrefois. Elle repensa aux coups de marteau que lui avait donné son père, aux notes qui vibraient comme des cris de détresse et aux paroles haineuses qu’il hurlait : «La musique ne va t’avancer à rien dans ta vie, Alire Duvaleau ! Oublie le 5eme art et fie-toi au 6eme art ! Le meilleur de tous ! La littérature ! »
En ignorant la voix de son père qui l’obligeait à faire demi-tour, Alire franchit la porte de sortie et s’élança hors de cette décrépitude qu’était sa maison. Elle traversa les rues, suivit les trottoirs, elle se dirigeait vers l’adresse ou se trouvait sa seule consolation, son confident.
Alire se retrouva en face du bâtiment. Un ancien bâtiment qui datait de la révolution française. En face de la porte pendait une pancarte aux inscriptions en relief Académie du cinquième art. Ecole de musique. Mais ce n’était pas par cette grande porte que la jeune fille avait l’habitude d’entrer car elle était verrouillée à cette heure-ci. Alire connaissait un passage connu que d’elle même, qui débouchait justement dans la salle ou elle désirait aller.
Il s’agissait d’une énorme pièce, sombre en ce moment, mais normalement très éclairée par la lumière du soleil qui s’engouffrait par la fenêtre. Au jour, les rayons du soleil, filtrés par les rideaux, lançaient des lueurs rouges dansantes. Pendant la nuit, c’était au tour de la lune de s’assurer de l’éclairage. Sa douce lumière fantomatique éclairait un seul point de la pièce quand elle était à son zénith. Elle éclairait le seul élément présent dans cette salle : un grand piano à queue.
Arrivée là-bas, Alire pris la précaution de verrouiller la porte et s’assit confortablement sur le banc situé au pied de l’énorme piano. Ses doigts se mirent à courir sur les touches de l’instrument, puis retentirent des notes imprégnées de sa rage envers son père et de sa tristesse due à la vie qu’elle aurait pu avoir. Juste quelques notes flottèrent dans l’air, des notes qui s’achevèrent en un bruit assourdissant constitué d’une multitude de touche pressionnées en même temps. Fatiguée, Alire s’était écroulée sur le clavier et s’endormis aussitôt.
Le lendemain, Alire fut réveillée par des bruits de pas et de voix : les élèves et les professeurs venaient d’arriver pour les premières leçons de musique de la journée. Interrompu par son sommeil la veille, la jeune fille n’eut pas fini de confier toute ses peines et plaintes à son meilleur ami. Ses doigts se remirent à courir sur les touches de l’instrument. Devant ses yeux, aucune partition n’était posée. C’était inutile. Elle comptait sur la seule partition dont elle avait besoin : son cœur et son âme. Les notes qui flottaient dans l’air étaient imprégnées de la même rage et tristesse de la veille, mais une touche de mélancolie et de nostalgie s’y mêlait. Ils étaient dus aux souvenirs de sa mère décédée dans sa petite enfance. Elle se souvenait d’elle assise devant le piano acoustique maintenant disparu.
Dans les couloirs, les voix et les bruits de pas se turent. Tout le monde interrompaient leurs activités et restaient attentifs à la musique de la pianiste qui leur était inconnue.
Alire jouait au piano avec le même but que son père lorsqu’il écrit son autobiographie : confier sa vie à quelqu’un de confiance. Mais contrairement à son père, ce qu’elle confiait à son meilleur ami était sincère, sans aucun mensonge. Surtout, personne n’était obligé de lire et de comprendre. Les passants écoutaient cette musique, sans savoir qu’elle représentait la vie d’une jeune fille insatisfaite de la vie qu’elle menait. Ce qui les mettait sous le charme était juste cette mélodie pure que l’instrument émanait. Ils l’écoutaient sans vouloir comprendre.
Pourquoi vouloir démasquer un musicien si tout ce qui importe est sa mélodie?