Méandres des Songes

Force : 70/200
Vitesse : 180/200
Agilité : 150/200

Regarde les étoiles, regarde comme elle brille, et dis-toi que je suis l'une d'elles, veillant sur toi. Regarde le ciel, regarde tes ancêtres, et dis toi que quand tu les rejoindras, nous serons réunis. Vie ta vie, sans regarder en arrière. Ne m'oublie pas, mais sache que derrière chacun de tes pas, se pose mon regard. Ne sois pas triste, ne me pleure pas, car un jour, je serai de nouveau avec toi. Je ne suis pas loin, regarde moi. Je suis juste de l'autre côté du chemin.
Tu vois, tout va bien.

J'ouvre les yeux. La lumière extérieure m'aveugle. Des tâches de couleur dansent devant mes yeux. J'ai une légère nausée. Je regarde autour de moi, tandis que ma vision d'améliore peu à peu. Je ne sais où je suis, ni comment je suis arrivée là. Paysage inconnu, surplombé de gros nuages noirs annonçant un nouvel orage. D'immenses arbres à la silhouette dénudé et inquiétante semblent me contempler. Un grand vide s'instale en moi. Je ne me souviens de rien, pas même de mon nom. Que s'est-il passé ? Même ça, je l'ai oublié. Je me lève soucement, parcourue de frissons glacés. Je marche, jusu'à une trainé d'eau, laissée par les dernières pluies. Je me penche, et contemple un reflet qui n'est pas le mien. Je ne me reconnais pas. Non, ce ne peut être moi. Pourtant si.. Mon pelage immaculé est couvert de boue et de.. Oui, c'est bien du sang. Mes yeux verts sont rougis par le sommeil et les larmes. Je prends alors conscience de la douleur dans mes côtes, qui me tiraille. Le monde tourne lentement autour de moi, le sol me done l'impression de s'effondrer. La nausée me prend violemment. Ma tête explose en une centaine de papillons multicolors qui chuchottent un nom qui doit être le mien. Pis je sombre dans l'inconnu de nouveau.

Peu à peu, je me souviens. Je me souviens de certaines choses, comme des flash. Je vois un visage, je sais qu'il compte pour moi, mais je ne saurais le nommer. Je l'entends m'appeler, tout bas, d'une voix douce et grave. Méandre des Songes. C'est mon nom. Je le revois partir au loin, j'entends ses derniers mots derrière une brume, m'empechant de les comprendre. Je ressens ma douleur, ma peine, lorsqu'i s'éloigne. Puis il chuchotte de nouveau mon nom. Alors, je peux établir un lien. Je suis sûre d'au moins une chose.
Je m'appelle Méandre des Songes, et je suis seule.

Mon coeur s'empli d'une mélancolie nouvelle. L'image de l'autre félin reste en mes pensées. Je ne puis oublier son regard empli de sagesse. Loreleï. C'était son nom il me semble. Les souvenirs reviennent, la brume tombe. Il me semble que la tempête s'éloigne. Oui, Loreleï, c'est bien ça. Une vague de douleur parcourt mon corps. Des bribes de souvenirs me reviennent. Je comprends peu à peu la dure réalité : il est parti, il ne reviendra pas.

« Pars. Fuie, sauve ta peau avant la mienne. Sauve notre enfant, fait en sorte qu'il ait une belle vie. »
Il avait toujours su que ça se terminerait ainsi. Il savait que la fin était proche, il était conscient du danger. Pourtant, il n'a pas fuit. Il nous a promis la liberté, la vie, le bonheur. Mais y'a-t-il un bonheur, quand les étoiles s'éteignent ?

Oh Loreileï, tu m'as si souvent guidé de tes paroles emplies de sagesse. J'imagine que c'est ce qui m'a poussé jusqu'ici, ce qui m'a sorti du gouffre, ce qui m'a donné goût à la vie. Tu m'as souvent dit que la douleur n'était qu'éphémère. Tu m'as souvent dit que le dueil ne durait pas. Tu m'as aussi dit de ne pas te pleurer, lorsque je me retrouverai seule au matin, et que tu seras déjà loin.
« Ne sois pas triste, ne me pleure pas, car un jour, je serai de nouveau avec toi. Je ne suis pas loin, regarde moi. Je suis juste de l'autre côté du chemin.
Tu vois, tout va bien. »

Instinctivement, je tourne la tête, face à l'horizon, et contemple cet « autre côté » que tu décrivais parfois dans tes élans de poésie. Je me répète tes paroles intérieurement, y cherchant un sens, une raison. Je crois qu'elles finissent par combler un vide au fond de mon coeur, et m'aide à accépter ce qui est irréversible: il est mort.

J'ai longtemps haï la vie, pour ce qu'elle nous infligeait. Je voulais la défier,lui montrer qu'elle ne me contrôlait pas. Je voulais toucher la mort du bout des griffes, voir ce qu'était l'au-delà. C'est au bord d'une falaise, que je fis la connaissace de mon bien aimé. Un vent violent soufflait, ébourrifant mon pelage duveteux. La poussière volait, percutant ma rétine, minimisant ma visibilité. Les roches sous mespattes métaient à mal mes coussinets abîmés par le froid mordant. Devant moi s'étendait à perte de vue, un vide sidéral, insatiable. Et au fond du gouffre -si toute fois fond il y avait- on pouvait sans difficulté imaginer les pointes acérées des griffes rocheuses, vous arrachant la vie sans bouger, vous enlaçant dans ses bras glacés, souillant votre sang, votre fourrure. Au fond, c'était la mort elle-même qui vous attendait, pour vous emporter vers son royaume.
Je m'apprétais à percer le mystère de ce vide abyssal.

Je reculais, prenant un élan suffisant. Marquais un bref arrêt. Ma queue fouetta l'air d'un coup sec. Si j'étais prête ? Je crois que, pour ce genre d'acte, on ne l'est jamais réellement. Cela étant, je ne cherchais pas à comprendre ce qui m'attendait. Je bondis en avant, mes pattes foulant le sol dur à vitesse vertigineuse. Le vent sifflait à mes oreilles, mehurlant, encore et toujours, que le danger se rapprochait. Le ravin se rapprochait, je percevais la noirceur du trou, et, au fond, pour la première fois, les griffes acérées des roches. Je plongeais dans l'infini, dans le néant. Les images se boulversèrent autour de moi. Je crois que je perdis connaissance, car lorsque je me réveillais, j'étais allongée sur le flan, Le regard d'un ange posé dans le mien.

Ilparraît que quand on est mort, on ne ressent aucune douleur. Je crois que c'est ce quime convaint que j'étais encore en vie. C'était ma première rencontre avec Loreleï. La première fois qu'il me sauva la vie. Ce jour-là, je décidais que le destin avait voulu m'épargner, en m'envoyant un sauveteur. Je décidais de continuer à vivre. Maintenant, tout celà est révolu. En me sauvant une dernière fois, tu avais laissé ta vie. Pour moi.

Trois lunes passèrent. C'est le temps qu'il fallu à mes blessure pour cicatriser. Je ne arle biensûr que des blessures physiques. Pour ce qui est de la douleur morale, celle qui vous tiraille de tout côtés, ne part jamais vraiment. Il m'arrive encore de me réveiller en pleine nuit, en te hurlant de t'enfuir. Au cours de ces trois lunes, je repris mes vieilles habitudes de solitaire. Je mangeais peu, marchais beaucoup. Mes côtes finirent par se voir à travers mon pelage blanc. Mes yeux étaient erne et fatigués. Chacun de mes pas me coûtaient, et c'est un soir d'automne, alors que la fraîcheur de la nuit tombait, que je m'effondrais au sol, à bout de souffle. Devant moi s'étendait une forêt de pinèdes, aux arbres menaçant.

Une vague de douleur parcourut mon ventre. Une douleur sans nom, comme si une flamme ardente parcourait librement mon corps. Une force inconnu me poussait, la douleur faisait couleur de grosses larmes sur le sol. je raclait la terre de mes griffes, cherchant une prise solie à laquelle me raccrocher. Je sentais la mordure du froid contre mon pelage, tandis que dans un cris de douleur, je compris. Les petits arrivaient. Dans un dernier soubressaut, je sentis le sol flacher sous mes pattes, et je ombrais de nouveau dans l'obscurité.

Il existe en cette terre, des groupes de chats qui se font appeler 'clans'. Des félns sanguinaires, qui tuent pour le plaisir. Le sang coule chaque jour sur le sol de leur forêt. Ils se lancent dans la bataille avec un unique cris de guerre, tandis que les deux armés se rejoignent, qu'ils s'étrippent de leurs griffes poitues. La mort s'abbat sur eux tel une averse en plein désert. Ils s'accrochent à la vie tout en la détruisant. Tandis qu'ils ôtent la vie et que le sang coule interminablement sur leur poitrail, ils s'essuyent d'un coup de langue, agrippant quelques poils au passage, tandis qu'une infime écume rouge persiste. Des chats qui vivent pour voir couler la haine, qui la travaillent. Des monstres, rien de plus. Du moins, c'est ce qu'on en disait dans les montagnes. Il s'averra qu'une patrouille d'un de ces clans me trouva inconsciente, perdant de plus en plus de sang, à proximité de leur territoire, et qu'ils m'emmenèrent chez eux.

Je les haissais sans les connaître, pourtant, ils me sauvèrent. Comme quoi, la mort ne doit pas vouloir de moi. Losque je repris conscience, j'étais étendue sur un lit de mousse. Une agréable odeur d'herebe fraîche flottait dans l'air, un ruissau coulait à proximité. Après des lunes dans le désert, je cru au paradis.En fin de compte, ça devait l'être. Du moins, ce qui s'en rapproche le plus, après toutes ces lunes à errer. J'ai longtemps pensé que ces chats me tueraient. Puis, peu à peu, je comris qu'ils n'avaient rien à y gagner.

Les lunes qui suivirent, je vécu parmis eux, je pris leurs habitude. Le masque tomba, et, si je ne fis jamais réellement partie de leur clan, j'appris toutefois à les connaître, à les comprendre. Je m'accrochais à tut ce qu'il me restait de solide, dans ce monde peulé de mensonges. Que faire d'autre après tout ? Je crois qu'en ces jours solitaires, j'avais acquérie une certaine sagesse. Je me surprend arfois à parler de 'nous'. Peut-être parce que, en restant à leurs côés, j'avais choisi mon camp, j'avais abandonné ma vie de vagabonde. J'avais trouév une raison de vivre, et elle était couché contre mon flan, tatant mon ventre en quête de lait. C'est ton fils. Je n'ai pas encore décidé d'un nom. Je ferai mon posible pour qu'il sache qui tu étais. Pour qu'il soit fière de son père qui, en perdant la vie, avait sauvé la sienne. Tu me manques, chaque jour un peu plus.

Tu sais LOreleï, il m'arrive encore de contempler les étoiles pour y chercher ton regard. Ici, ce ne sont pas les mêmes quand dans notre pays. J'espère simplement que tu as trouvé la paix. Je fais de mon mieux pour honnorer ma promesse. J'ai cessé de te pleurer. bientôt, je tomberai moi aussi, bientôt, nos chemins se croiseront de nouveau. Je ne suis pas loin. Tourne la tête, regarde moi. Je suis simplement de l'autre côté du chemin.