Le philosophique Philosophe

La vie du Philosophe ne se résume point en quelques mots. Il aurait fallu que vous soyez l’un des leurs, leurs étant sa troupe, sa horde, sa famille. Celle-ci morte jadis, ravagée par le mal qui vous rattrape à coup sur. Un mal qui fait son travail à chaque seconde et que l’on a baptisé vieillesse. Penché sur un squelette de rongeur reluisant de propreté, le dos voûté par le poids des âges, la fourrure rêche, Le Philosophe psalmodiait des paroles incompréhensibles. Tout le jour durant et souvent la nuit, dans le coin de sa sombre grotte, des souvenirs refluaient à la surface de sa mémoire ancestrale. Des mots… Et ensuite des tronçons de phrases.

Petit insecte ailé virevoltant
Anticipant chaque mouvement
Petit chaton cabriolant
Il sautait gaiement
Lointains étant ses sentiments
Lorgnant cet insecte bienveillant
On l’apercevait souriant
Ne se souciant des regards aucunement

Nuée de flocons blancs
Emerveillement
Intension de bonheur
Guilleret vivant et amuseur
Et débordant de joie

É clipse de beauté stellaire
T oile de purs diamants
O uverte aux yeux de ceux qui regardent
I ntelligible prestance
L es joyaux brillent
E mmenant peur et souffrance
S ur leurs ailes de délivrances

Aimer sa douce
Mourir pour sa belle
Ouverture du cœur
Utopie des sentiments
Réunion de deux corps

De caractère posé, Le Philosophe a un tempérament des plus prévisibles lorsqu’on le connaît. Tapi dans sa grotte, se laissant dépérir à petit feu, la mort lui refusant ses bras, il incite tout chat passant devant l’entrée de sa demeure à lui tenir, quelques instants, compagnie. À lui raconter des faits divers, à le divertir avec d’intéressantes péripéties et en répondant à quelques énigmes. Car le vieux matou était friant de défis intellectuels et du questionnement à la maïeutique. Seul l’exercice de son esprit rythmait cette vie tellement morne, cette vie qui ne comptait plus pour Le Philosophe. Il avait tout appris, connaissant des secrets oubliés, des notions bannis de la communauté féline. Et toutes ses connaissances qu’il ne pouvait partager qu’au silence de sa grotte. Il était si faible, ses prunelles si… éteintes. Et aucune émotion ne le traversait. Non, aucune. Il avait perdu le sens d’aimer, d’haïr. Malgré tout, une lueur persistait. Quelqu’un allait-il rallumer la lumière?