J’observai la lune au dessus de ma tête. Douce, brillante, nimbant d’argent tout ce qui se trouvait à ses pieds. En bas, dans le monde des vivants. Tout, y compris mon pelage immaculé et mes griffes écarlate. Je soupirait. Pourquoi, pourquoi fallait-t il rester dans ce monde mal fait ? Je n’avait aucun sentiment, comme si mon cœur n’était qu’une sculpture de glace. Le désespoir ne m’atteindrait donc jamais, mais l’ennui si. L’ennui, quel calvaire. Ce monde m’ennuyait, il ne s’y passait jamais rien. Aussi avait-je décidé de tuer mon lieutenant pour mettre un peu d’animation. Je suis bizarre, merci de me le faire remarquer je savais. Je continuait ma progression, fantôme au milieu des ombres. Mes prunelles métalliques surveillaient vaguement les alentours. Un bruissement me fit sursauter. Pelage hérissé, je me retournait. Deux yeux d’azur luisaient dans le noir. Je sourit. C’était-t elle, la seule personne qui me faisait éprouver des sentiments. Celle qui dégelait mon cœur figé. Haine, Joie, Peur…Dernière Chance. Je la laissai s’approcher, se blottir dans mon épaisse fourrure. Elle souriait, ronronnait aussi. Je joint mon ronronnement au sien. Elle était svelte, parfaitement sculptée. Sublime, tout simplement. Cette chatte noire, jamais je ne l’oublierait. Dans les sentiments qu’elle me faisait ressentir, l’amour occupai la première place. Ah, cette solitaire… Si elle savait, si j’avais le courage de le lui dire… La ténébreuse s’écarta de moi, l’air triste et contrariée. Son regard me gela sur place. Mon sourire disparut. Qu’avait-t elle donc. Était-ce de la peur dans ses yeux ?
<< Dernière Chance ? Qu’y a-t il ? >>
Demandais-je, inquiet. Je la regardais, cherchant à comprendre. Elle secoua la tête, se détourna. Sa queue frémissait, comme si elle se sentait indécise. Je m’approchait un peu d’elle jusqu’à ce que nos museaux ne soient qu’à un souffle l’un de l’autre. Elle sursauta, mon sourire revint. Je lui donna un coup de langue sur la joue, mon échine fut parcourue d‘un frisson en même temps que la sienne. Comment pouvait-t il y avoir des sentiments si intenses entre deux « adversaires » .Je continuait de regarder la vagabonde. Surprise, elle restait immobile. Ses grands yeux fixés dans les mien. Cette timidité fragile , peut être était-ce cela qui m’attirait. Innocence, espièglerie aussi. Dernière Chance avait tout pour me plaire. Seulement le saurait-t elle un jour. Et était-ce réciproque ? Tellement de questions, aucune réponse. D’autant plus que jamais je n’aurait le courage de lui poser la question. Je soupirai avant de la sentir se coller à moi. La tête appuyée contre mon poitrail, elle ne bougeait plus. Silencieuse, fragile…magnifique. Pourquoi était-t il si dangereux que nous restions ensemble. Si mon chef me voyait… je m’en ficherait pas mal, remarque ! Peu m’importait à part elle. Il pouvait me bannir, nous avions l’éternité devant nous . Ainsi j’aurais tout mon temps pour me faire oublier, changer de nom, revenir, en gardant éternellement la même apparence. Elle de même. Mais ce n’était pas là le souci. Le chef du Clan du Vent n’était pas un problème . En revanche, mon vrai chef, celui du Clan secret de l’Anarchie, lui serait un problème. Le Clan de l’Anarchie était rempli de chats immortels disséminés dans le Clan. Ils avaient le devoir de jouer les mauvais dans ce monde, pour mettre un peu d’animation. La chatte contre moi, elle , faisait partie du Clan du Rêve. Des immortels également, mais eux étaient bons. Ils devaient restaurer la paix et le bonheur, tout notre contraire. Ainsi là était le problème. Nous ne pouvions rester ensemble longtemps. Sous peine d’être remarqués, séparés. Je posa mon regard sur la chatte noire. Elle leva la tête vers moi, le regard empli de fascination. Je sourit, un sourire ténébreux, comme toujours. J’enroulai ma queue sur le corps fragile de la solitaire.
<< J’ai peur…qu’on nous trouves, Feu d’Artifice. >>
Finit par miauler la chatte noire. Je me crispai légèrement. Elle avait raison, évidemment, et ces pensées me tourmentaient depuis si longtemps . Je relevai la tête vers les cieux, sans répondre. Déjà le ciel s’éclaircissait, faisant peu à peu disparaître les étoiles. Déjà venait l’aube et ses flammes rosées, violettes, rouges naturellement. Elle ajustait dans les ténèbres toutes ces couleurs, pour être parfaite le jour venu. Déjà, la nuit prenait fin . Et nous ne nous étions vus qu’une heure. Il faudrait attendre l’assemblée. Dans quelques jours elle serait là. Et pendant ce temps je flânerait le plus possible. Non pas que je sois grand paresseux, mais seuls les « valeureux guerriers » participaient à l’assemblée. Or si je ne voulait pas y aller pour chercher Dernière Chance à l’abri de Fleur d’Oranger, l’immortelle de l’Anarchie chargée de me surveiller, il faudrait rester au camp. Je m’écartai de la chatte noire, cherchant à repérer des signes d’éventuels espions. Cœur Brisé devait surveiller la solitaire, il pouvait très bien être là. Remarque, à une heure pareille, il pouvait également dormir. Je jetai un regard plein de regrets à la chatte. Elle coucha ses oreilles en arrière, bondit sur moi. Plaqué au sol, je la regardai au dessus de moi, sa fine silhouette se détachant sur le ciel rougi par l’aurore. Elle me lécha la joue puis me laissa là, au sol. Inanimé. La ténébreuse était partie comme elle était venue. Cela me fascinerait toujours. Je finit par me relever. Comment enlever sa douce odeur de mon pelage. Elle m’enivrait encore, et Fleur d’Oranger n’aurait aucun mal à la remarquer. Crotte de renard ? Berk, même pas en rêve ! Dégoûté, j’optai pour le petit ruisseau s’écoulant non loin du camp. Marchant tranquillement dans cette direction, j’évitai soigneusement la patrouille de l’aube. Finalement, entre les fougères, je le trouva. Ce ruisseau. Cristallin , il gazouillait tranquillement. Je me glissait dans l’eau glacée, frissonnant à son contact. Plongeant la tête sous l’eau, j’observai un bref instant les poissons de mes yeux d’acier avant de remonter à la surface. Personne, heureusement. Sortant rapidement de l’eau, je vérifiait si l’odeur était encore là. Oui. Rahlala… Une autre odeur vint me chatouiller mes narines. Portée par le vent, c’était celle de la menthe . Bonne idée ! Cela ne me ressemblait pas d’aider le guérisseur, mais bon . Tranquille, je marchait vers l’odeur. Un carré de menthe sauvage, rien que pour moi ! Un sourire se dessina sur mon visage, je me roulai plusieurs fois dedans. La douce odeur de Dernière Chance disparut sous les effluves pures et fraîches de la menthe. J’en cueillait quelques pousses, marcha de nouveau vers le ruisseau . Je me penchai sur l’eau cristalline. Tant qu’à faire, autant m’attraper de quoi manger. Une ombre passa dans l’eau cristalline. D’un geste vif et assuré, je plongeai ma patte dans le liquide glacé pour la ressortir aussitôt. Un corps écailleux tomba sur l’herbe fraîche, s’agitant dans tout les sens. Je l’achevai et le mangeai aussitôt. Hum… délicieux. Impossible de conserver les poissons sur le tas de gibier de toutes manières. Enterrant les restes, j'attrapa le ballot de feuilles de menthe pour marcher vers le camp avec mon fardeau. Une silhouette orangée se profila à l’entrée du camp. Je poussa entre mes crocs d’acier un soupir agacé. Fleur d’Oranger. Pelage parfaitement lissé, ses yeux brillaient d’une lueur étrange. Comme si elle cherchait dans mes yeux la preuve que j’avais rencontré la solitaire.
*Aucune chance, tu peux toujours chercher ma belle ! *
Songeais-je avec amusement.
<< Bonjour Fleur d’Oranger. >>
Lançais-je avec indifférence. Elle me regarda passer à côté d’elle sans un mot. J'entrai dans le camp, attendant d'être hors de son champ de vision pour esquisser un sourire sournois. Trompée, où pas... De toutes manières elle ne devinerait pas, jamais. Je déposait les feuilles de menthe à Aura Maléfique, notre belle guérisseuse. elle me regarda avec indifférence, souffla un merci à mon oreille. Je lui dit de rien et partit me rouler en boule dans la tanière des guerriers, fatigué d'avoir erré toute la nuit.
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Voilà, des avis ^^ ?