It's not too late.

« It's not too late,

Because I'll never forget you. »

♪| Birdy - Shelter |♪

Les tintements s'éloignent dans le lointain. Les tintements de la cloche de l'église, les tintements de la vie, semblables aux battements de mon cœur. La brume envahit lentement les feux rougeoyants qui crépitent dans ce calme ahurissant. Le pavé froid est collé tout contre mon oreille. Les pas d'un cheval s'éloignent, un trot cadencé, qui reprend en canon le rythme de mes souvenirs. Des souvenirs noyés dans les larmes, effacés par la marée. Des souvenirs hachés comme les coups de couteaux qui m'ont déchiré la peau. Et les braises meurent, coulés par le sang. Et la vie s'enfuit, abandonnée par le sang.

Oh, ton visage. Serait-ce l'unique survivant du naufrage ? De ce naufrage au milieu des flammes sanglantes de ton amour. Tu étais si belle en cet instant, si belle que n'importe quel regard aurait souillé cette pureté qui t'illuminait. Un ange auquel on aurait coupé les ailes. Un ange qui se serait retrouvé coincé sur notre terre. Qui aurait découvert la vie, ses cruautés, ses beautés. Je t'ai vu, et j'ai su. J'ai su que ma vie n'était pas vaine, qu'elle avait un sens. J'ai su que je n'avais pas les pieds sur cette planète par hasard.


Les tintements s'effacent dans le lointain. Les tintements de la cloche de l'église, les tintements de la vie, semblables aux battements de mon cœur. Le silence surplombe tout. Le monde ralenti. Là-bas, tout là-bas, au milieu de la fumée, la tour de l'église observe de son unique œil rond, maître du temps, la scène macabre. Elle ne pleure pas, et les minutes s'écoulent, la course de ses aiguilles continue. L'infini ne s'arrêtera pas pour moi.

Qu'il était frêle, celui qui, comme tant d'autres, t'ont aimé. Qu'il avait peur, lorsqu'il a levé la lame en vrillant son regard dans le mien. Il avait des yeux bleu abysse, et les eaux de ses iris se sont enflammées soudainement. Son visage s'est déformé, décomposé, sa bouche s'est tordu dans un râle, et le monde s'est renversé. Alors, la douleur est apparue, dans sa cruelle splendeur. Cinq fois. Cinq coups qui sont tombés comme le goutte à goutte effrayant du temps.


Les tintements disparaissent dans le lointain. Les tintements de la cloche de l'église, les tintements de la vie semblables aux battements de mon cœur. Et enfin, tout s'arrête ; même l'horloge blanche cesse un instant de s'animer. Tout sauf toi, tes mains délicates, ton visage noyé de larmes, tes yeux qui cherchent les miens, ta présence qui fait brûler pour la dernière fois dans mon cœur froid et immobile cette flamme qui m'a brûlé les doigts. Mais ne t'en fais pas. Il n'est pas trop tard.

« It's not too late,

Because I'll never forget you. »

~ Complainte Solitaire de l'Ange Tombé du Ciel ~

Alors, délicatement, il ôta sa main chaude de ma nuque, et ses lèvres trempées de larmes s'effacèrent des miennes. Alors j'ouvris les yeux, et les plongea dans les siens. Alors mon cœur suspendu au fil si fin et pourtant inébranlable du temps s'arrêta un instant ; une seconde, un jour, l'éternité, je ne sais ; et explosa. Des étincelles rougies en jaillirent, allant se perdre dans les recoins de mon corps décharné, déchiré. Et le sang qui s'en écoulait allait nourrir le foyer qui me brûlait la peau, qui me faisait frémir à chaque fois qu'il osait poser les yeux sur moi.

Mon agonie donnait vie à la passion. Cette passion pour lui, lui qui, aujourd'hui, est étendu devant moi, à ma place d'autrefois, sur les pavés gris, gris du malheur qui s'abat sur la ville depuis tout ce temps.


Ce sont désormais mes larmes qui ruissèlent le long de mes joues. Mes mains qui pressent les siennes, gelées par le souffle de la mort. Mon cœur qui bondit d'horreur dans ma poitrine lorsque le rouge commence à se répandre dans les canaux des pavés de la rue. Moi qui le supplie dans un murmure de rester, rester encore un peu, juste un petit peu. Mon visage livide qui se tord dans un râle alors qu'il m'abandonne du regard pour refermer ses paupières tant de fois baisées. Ma bouche qui d'abord se crispe puis s'ouvre sur un ignoble hurlement.

Oui, mon hurlement sorti droit de mes entrailles, de mon cœur, mon petit cœur d'être pris au piège dans cette idylle dorée, dans ce cauchemar déguisé, dans cet amour, gardien cruel des portes du bonheur et du malheur. Celui qui sans cesse inverse les clés et trompe les mortels.


Mais les tintements de la cloche de l'église m'apportent la paix, comme une flamme qui s'obstine à nous éclairer alors qu'on la souffle pour retourner aux ténèbres, comme la lueur qui brille farouchement au fond de tes iris crépitants.
Oh, mon bel amant, bien sûr, je n'ai pas peur, car il n'est jamais trop tard.