Pour un devoir, j'ai dû rédiger une histoire inspirée d'une photo proposée en cours. C'est l'image de la corde qui m'a le plus inspiré (entre des roues de charrues ou des pieds de chaises, je pense qu'on me comprendra). Et je pense m'en être pas trop mal tirée.
La Corde
Il rentra chez lui. Traversa les pièces, impassible, le regard vide. Il ne voulait penser à rien. Il s’efforçait de garder la tête vide. Il se demandait si ce grand vide au fond de lui était la conséquence de ses efforts pour ne penser à rien ou était dû à cet évènement.
Cet évènement qui avait anéanti sa vie. Non ! Il ne devait pas y penser. C’était trop douloureux… Il devait oublier, oublier, oublier. Son regard parcourut la pièce dans laquelle il se trouvait. Tiens ? La chambre. Il ne se souvenait pas avoir marché jusque-là. Seul restait dans sa mémoire
cet évènement. Pourquoi ne pouvait-il pas emmagasiner d’autres souvenirs afin de noyer celui-ci dans les ténèbres ? Un peu de repos l’aiderait peut-être. Il s’allongea sur le lit.
Combien de temps s’était écoulé ? Il n’en savait rien. Quelques minutes ? Quelques heures ? Des siècles ? Tout lui paraissait possible. Ne remuant aucun muscle, il continua sa contemplation du plafond.
Toiles d’araignées, poutres. Les rayons de soleil filtrant à travers les volets permettaient de voir un air saturé de poussière.
Il se redressa. La douleur lui tordait toujours les entrailles. Trop de souvenirs lui torturaient l’esprit. Pour la première fois de sa vie, il eut envie de souffrir. Physiquement. Une douleur pour en apaiser une autre. Mais il fallait qu’elle soit alors plus intense que celle que l’on voulait oublier. Sans réfléchir, il porta un de ses poignets à sa bouche et le mordit. La douleur le parcourut et il resserra encore sa prise. Ce fut seulement lorsqu’il commença à sentir le goût du sang qu’il s’arrêta. Non, ça n’avait pas marché. La douleur au fond de lui était toujours présente. Elle recouvrait même celle de son poignet. Chaque battement de cœur répandait une onde de souffrance.
Les larmes coulèrent de ses yeux. Il aurait voulu se mettre en colère, ou crier. Au lieu de ça, son visage n’arrivait pas à trouver une autre expression que celle qu’il affichait : traits ne reflétant aucune émotion, les yeux éteints. Il pleurait sans ressentir de véritable tristesse, sans sanglots. Il n’y avait plus de place dans son corps pour autre chose que sa douleur. Il ne lui restait qu’une seule solution. Il sortit dans le jardin. Une grosse corde se trouvait dans les écuries. Il la ramassa et retourna dans sa chambre.
Il enroula la corde en nœud coulant. Levant les yeux, il repéra une des poutres qu’il avait contemplées tantôt. Il poussa une chaise au-dessous d’elle, lança la corde et monta sur la chaise. Au moment de passer sa tête dans la corde, il se remémora ses derniers instants. La douleur au fond de lui se fit plus intense encore qu’avant. Tant mieux. Comme ça, il ne regretterait pas son geste. Il passa sa tête dans le nœud et ferma les yeux. Ses souvenirs lui revinrent plus nets encore, plus douloureux.
Alors, sans hésitation, il renversa la chaise.