Hello les minous :D
Sachant qu'il y a des fans d'HP ici, je me dis que cette histoire pourrait plaire et puis c'est dommage de l'avoir écrite pour qu'elle reste sur un doc' word jamais lue ou presque xD. J'ai écrit cette histoire à la base pour un personnage que je comptais jouer sur un forum de RP sur le thème de Poudlard (a), c'est la plus longue histoire de personnage que j'ai écrite (y'a p't'être 12 pages ou plus je sais plus exactement :p). Attention c'est pas touche, j'ai passé du temps à l'écrire (vous comprendrez vu la longueur) et je n'autorise personne à se l'approprier pour quelque raison que ce soit. D'autant plus que c'était censé être un de mes personnages, et mes persos, c'est moi ou presque xD N'hésitez pas à cliquer sur les notes de musiques pour avoir l'ambiance musicale qui m'a inspirée
Enfin bref, place à la lecture ! :)
J'espère que ça vous plaira ^^
Shana Wakeshima
Un parfum d’enfance... Des souvenirs. Trop de souvenirs… Une innocence perdue et une vie gâchée… Qu’est ce qui donne sens à la destinée ? ♫
- M’man, pourquoi le soleil est il jaune ?
Le soleil brillait haut dans le ciel, ce jour là. C’était un beau jour d’été, au ciel clair, au temps doux, avec la juste brise qu’il fallait pour ne pas étouffer de chaleur. Toutes les journées auraient dû être semblables à celle-ci, nageant dans une joie de vivre, grâce aux bonheurs simples : la sensation du soleil réchauffant la peau de l’enfant allongée sur le sol, le léger chatouillis de l’herbe sur son dos malgré la douce étoffe rouge de sa robe. Assise sur un banc, toute proche, la mère regardait la petite fille. Elle posait des questions bien innocentes, comme toutes les autres petites filles de son âge. Comme toutes les autres, oui, à première vue c’est ce qu’on aurait pu dire de sa fille, du trésor de sa vie. Mais une mère sait et sent des choses que personne d’autre ne peut savoir sur ses enfants, bien avant qu’eux même ne se rendent compte de ces choses là. Et elle savait d’ores et déjà que la petite qui allait vers ses 6 ans ne serait jamais comme aucune autre enfant, jamais. Pourquoi, elle l’ignorait, et peut être même ne le saurait elle jamais. Mais certains pressentiments ne trompent pas et se concrétisent malheureusement toujours. La fillette était elle-même, et c’était tout ce qui comptait, dans le fond.
- Maman ?
Sortant de la vague mélancolie songeuse qui s’était emparée d’elle, la femme aux cheveux coiffés en un impeccable chignon noir tourna la tête vers sa fille, dont la chevelure rousse, au soleil, s’était transformée en une auréole de flammèches, et elle lui sourit en lui répondant :
- C’est ainsi, Shana. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas, qu’on ne décide pas, qu’on ne choisit pas. Parfois, c’est positif, d’autres fois négatif. Rien n’est parfait dans ce monde, ma fille, mais chaque chose a sa part de bénéfique, de beauté, d’utile. Rien n’est vain, même s’il peut parfois sembler que la vie est bien vaine…
Les yeux d’encre de la jeune Shana se fixèrent sur sa mère. Ces paroles étaient pleines de sagesse, mais la demoiselle craignait de ne pas tout en saisir. Des yeux noirs de jais, voilà le seul point commun entre la mère et la fille, avec peut être aussi la forme du visage. Madame Wakeshima avait légué bien peu à sa fille, physiquement parlant. Mais, plus que le physique, c’est surtout le mental et le cœur qui importent chez un être, c’est pourquoi la sage dame ne se souciait que bien peu de cela.
- Comme quoi, maman ? interrogea-t-elle encore.
- La mort. La vie. Mais aussi l’amour… Tu comprendras cela plus tard, tu as encore le temps, ma puce. Il faut qu’on rentre, maintenant, papa ne va pas tarder.
Elles marchèrent ensemble dans la rue, main dans la main. Londres est beau, en été, quoi qu’en disent ses détracteurs. Pour Doriane Wakeshima, c’était sans doute la plus belle ville du monde entier. Et rien ne pouvait la faire changer d’avis, d’autant plus que c’était là que se trouvaient sa fille et son mari, Benjiro Wakeshima. Il n’avait gardé de japonais que ses noms, ses propres parents étant Chuemon Wakeshima, un japonais, et Amber Harteth, une irlandaise. Ils étaient heureux, et c’aurait pu être l’incarnation de la famille parfaite aux yeux de Doriane, si tant est que la perfection puisse exister. Elles flânaient toutes deux dans les rues, à un rythme paisible, l’adulte maudissant la précipitation des êtres et leur souhait de toujours gagner du temps plutôt que de profiter de celui-ci, et l’enfant rêvant, contemplant les vitrines des magasins qui s’étalaient le long de l’avenue. Soudain, Shana s’arrêta. Sa mère n’aurait pas remarqué la petite boutique d’antiquités qui se trouvait face à elles, si la fillette ne s’était pas arrêtée en face de la vitrine. Une petite mélodie, belle et envoûtante, se dégageait de ce qui ressemblait à une caverne aux trésors. C’était beau, mais Doriane ne comprenait pas pourquoi elle envoûtait autant la petite fille, qui, de ses yeux émerveillés, la suppliait d’entrer dans la boutique sans pour autant prononcer un mot. Il y a certaines choses que l’on ne peut pas comprendre, et auxquelles on est tout de même forcés d’obéir… Alors, elle se décida et elles franchirent le seuil. A l’intérieur, un parfum d’encens saturait presque l’air. Chaque chose semblait merveilleuse, dans cette ambiance mystérieuse qui était comme hors du temps. On avait oublié les voitures qui se pressaient dehors, les soucis et toutes les choses pour lesquelles on se stresse en temps ordinaire. Tout semblait différent ici, dans cet endroit sorti de nulle part, comme si l’on était dans un rêve. La musique, répétitive, continuait de se jouer, inlassable, et toujours aussi merveilleuse qu’à sa première entente. Doriane ne savait repérer la source de cette mélodie, avec tous les objets qui l’entouraient. Dans un grand miroir, elle crut voir une ombre passer, mais l’image disparut bien vite pour laisser place à son propre reflet. C’était pourtant loin d’être impossible. C’était même sans doute véritable… Elle chercha sa fille des yeux, car déjà Shana s’était précipitée ailleurs, sans prêter attention aux divers trésors et joujoux qui étaient pourtant juste à sa portée. Une seule chose l’intéressait. Et c’était après tout le seul but de leur visite en ce lieu… La rouquine était en face du comptoir, et ses yeux ne lâchaient pas la petite boîte couleur or qui y était posée. A pas de loup, la mère s’approcha à son tour. Etait-ce pour ne pas risquer de casser quoi que ce soit, ou pour ne pas troubler le cours de la musique ? Elle l’ignorait, et là n’était pas l’important. A l’intérieur de la boîte qui jouait cet air, une petite licorne ailée, faite de cristal, jouait le rôle de l’habituelle danseuse-ballerine. Au lieu de tournoyer, les ailes étincelantes se déployaient au fil de la mélodie, la tête se balançait doucement, et la dame licorne achevait sa parade par un salut des plus gracieux. Cela devait exiger une mécanique incroyablement précise, le tout étant animé par une petite clé que l’on remontait à la fin de la musique. Cette véritable merveille devait coûter une fortune, songea la mère avec amertume. Jamais elle ne pourrait l’offrir à Shana, ce serait une folie qui pouvait aboutir en désastre si son mari apprenait cette fantaisie. Mais certains objets vous appellent, et ce n’est pas vous qui les possédez, c’est à eux que vous appartenez. Cela peut sembler irréel, mais il en était ainsi pour de nombreuses choses. Et Doriane savait qu’il fallait que cette boîte à musique appartienne à Shana, coûte que coûte. Elle aurait pu la voler, l’emporter discrètement puisque personne ne semblait venir les voir malgré le carillon qu’elles avaient actionné à leur entrée. Sauf que cela n’était pas dans ses principes. Délicatement, elle tourna à nouveau la clé du mécanisme, laissant Shana admirer encore cette perle qui l’avait appelée autant par le son que dans son cœur. Elle poussa la porte de ce qui semblait être l’arrière boutique. Un vieil homme releva la tête de son bureau jonché de paperasses, et il n’y avait d’ailleurs pas que le bureau qui était la victime de ce désordre. Partout s’entassait des dossiers en tout genre, peut-être des factures, et encore une multitude d’objets se trouvaient là, digne prolongement de la boutique. L’homme jeta un regard ensommeillé sur l’inconnue qui venait de pénétrer dans ce qui semblait être son antre personnel, sans sembler constater qu’il s’agissait d’une cliente plus que potentielle. Doriane lui adressa un sourire un peu gêné.
- Bonjour… euh, je ne veux pas vous déranger. J’aimerais acheter quelque chose… J’aimerais vous acheter la boîte à musique.
- Oh , euh, bien oui, bonjour, ou bonsoir, je ne sais plus, haha. Allons voir ce qui vous a tapé dans l’œil ! Mais je ne vends pas cette boîte…
Interloquée, la femme priait pour que l’antiquaire change d’avis. Elle ne voulait que cette boîte. La scène était inchangée, la petite Shana contemplait toujours la boîte qui jouait encore et encore le même air. Le temps aurait pu être arrêté, tellement tout était encore identique aux minutes précédentes. Alors que le vendeur allait commencer son discours pour tenter de garder sa boîte pour quelqu’un qui lui en offrirait un meilleur prix, il se perdit au piège des grands yeux d’encre de la petite fille. Personne n’aurait pu refuser quoi que ce soit à Shana, à cet instant. La voix de la mère acheva de le convaincre, sans doute.
- S’il vous plaît, vous voyez bien que c’est important.
- Bon, bon… je ne voulais pas la vendre mais après tout… Je suis bientôt en retraite, les affaires, je n’en fais plus tant… Prenez la, mais ne dites à personne que je vous en ai fait cadeau. Maugréa-t-il avant de disparaître à nouveau dans les ténèbres de son arrière boutique.
C’est ainsi qu’une mère et sa fille, portant sa merveille personnelle comme un cadeau des dieux, le cœur léger et heureux, rentrèrent chez elles, le bonheur pétillant dans leurs yeux. C’était une bien belle journée, oui, une de celle qu’on aimerait vivre plus souvent et pour l’éternité.
4 années s’écoulèrent au rythme de cette mélodie… ♪
La pluie tombait, ce jour là. L’automne était venu, apportant ses couleurs magiques et mystérieuses, symbolique d’une mort proche de la nature, qui pourtant renaîtrait bientôt. Shana n’avait presque pas changé. Enfin, si. Elle se montrait beaucoup plus renfermée et presque ingrate à l’égard des autres. Mais face à ses proches, elle était toujours la même. Elle avait développé une sorte de monde secret, qu’elle seule comprenait. C’était un peu inquiétant, mais en même temps il n’y avait rien de véritablement dramatique. La musique se répandait encore une fois de plus dans l’air de la maisonnée, bien que la porte de la chambre de Shana fût fermée. Doriane était en bas, en train de lire un article du journal sur la récente fermeture de nombreux commerces rachetés par un grand financier. Cela l’agaçait de voir des gens friqués pouvoir annihiler aussi facilement les relations qui unissaient les petits commerçants à leurs clients. Car, plus que du commerce, c’était souvent un véritable lien qui se créait dans ce genre d’endroits… Mais ainsi était fait le vaste monde. Bien imparfait et à la recherche de valeurs à l’opposé de celles qui étaient véritablement nécessaires… Soudain, un bruit de fracas se fit entendre, et la mélodie se stoppa. Doriane jeta le journal dans la cheminée, se précipitant dans la chambre de sa fille, et le feu fit une gerbe d’étincelles dont elle ne se soucia pas. Le léger crépitement disparu vite dans l’air, et le seul bruit audible fut celui des pas de la mère qui courait presque dans l’escalier, son cœur lui criant de se dépêcher et sa raison de prendre garde à une chute. Au fur et à mesure qu’elle montait les marches de bois, son inquiétude grandissait dans son âme. Elle ouvrit la porte avec hâte. Brisées. La boîte autant que la fille. Dans la chambre aux murs bordeaux, qui étaient couverts de feuilles, des tout premiers gribouillages et dessins à ses tout derniers poèmes, Shana était agenouillée sur le parquet clair, la face contre le sol. Des dizaines de morceaux brillants sous le rayon du soleil étaient éparpillés face à elle, quelques rouages minuscules jonchaient le sol. Comment s’était-elle brisée, alors que sa fille en prenait un tel soin ? Doriane ne comprenait pas, et pourtant force était de constater que c’était la réalité. Shana leva la tête vers elle, prenant finalement conscience de la présence de sa mère. Dans ses yeux perlaient des larmes qu’elle tentait avec un certain succès de refouler. La mère allait s’apprêter à prendre la parole, mais le murmure qu’elle entendit l’en empêcha.
- Ne me laisse pas… Reviens à ton état…
Doucement, étrangement, mystérieusement, un tourbillon léger se forma autour des morceaux éparpillés. Et ils se recollèrent, se réassemblèrent. La boîte reprit vie, et la musique se remit à emplir l’air de ses notes. Comme si rien ne s’était passé, comme si le passé s’était effacé… Shana regarda sa mère, et, surprise, elle lui sourit, toute trace de peine envolée. Mais sa mère restait de marbre, figée. Instantanément, les rôles s’échangèrent. Le sourire disparut du visage de Shana tandis que Doriane s’efforçait de dessiner un maigre filet de bonheur sur son faciès. La jeune demoiselle resta interdite et muette. Sa mère s’assit à côté d’elle, et passant une main dans sa crinière de flammes, elle lui dit :
- Shana, écoutes moi bien. Il ne faut jamais que tu recommences cela, tu m’entends ? JA-MAIS.
Shana acquiesça, et Doriane reparti de la chambre presque aussi vite qu’elle y était venue. Le fait était que Shana n’avait absolument pas la moindre idée de comment ce qu’elle avait fait été possible. Elle soupira, décidant de ne pas chercher à comprendre. La clé tourna dans le mécanisme, parfaitement, sans aucun défaut comme par le passé. Et la musique reprit son cours.
Mais ce que la fille n’avait pas saisi, sa mère l’avait parfaitement compris. Anxieuse, elle attendit le retour de son mari, prostrée sur le canapé, en face de la cheminée qui s’éteignit petit à petit. Il connaissait bien sûr son secret, mais elle avait espérée que sa fille ne soit pas comme elle. Non, sa fille n’était vraiment pas comme elle, sauf sur ce point là, sur le point qu’elle aurait préféré éviter de transmettre. Enfin, après un temps qui lui parut une éternité, alors qu’une heure en tout s’était écoulée, Benjiro poussa la porte de la maison. Tout de suite, en voyant sa femme ainsi, il sut que quelque chose clochait. Sans rien dire, il posa sa mallette à terre, et vint prendre dans ses bras l’amour de sa vie. Des larmes roulèrent sur les joues de Doriane. Elle ne voulait pas perdre sa fille, elle ne voulait pas que Shana soit confrontée à ce monde qui était trop dangereux et sombre. Mais pourtant, les deux parents se devaient d’affronter la réalité.
- Benji… C’en est une, comme moi. Shana est une sorcière…
- Tu lui as dit ? murmura le moldu.
- Non, non, je ne veux pas… pas encore, pas tout de suite…
Sans rien ajouter, le mari acquiesça. La vérité apparaîtrait bien assez vite, et s’il savait que les temps étaient noirs pour les sorciers, il était pourtant sûr et certain que sa fille s’en sortirait à merveille dans cet autre univers qu’il n’avait pourtant jamais réellement compris.
Une courte année s’envola et…
L’année s’écoula rapidement, bien trop rapidement au goût de sa mère. Mais nul n’a le pouvoir d’arrêter le temps. Encore heureux, d’un côté. Imaginez ce qui arriverait si c’était le cas, si l’on pouvait contrôler le temps. On changerait des évènements à loisir, on retarderait certaines choses ou en précipiterions d’autres. Cela pourrait être bien, mais c’est faux. Car jamais nous ne saurions nous satisfaire de ce qui nous arrive, on souhaiterait toujours changer un détail, et au final nous passerions plus de temps à contrôler ce temps qu’à le vivre vraiment. Shana devenait un peu plus sombre et refermée, sans que ses parents ne sachent pourquoi. Finalement, ils vinrent à se dire qu’elle serait peut-être plus épanouie là bas, à l’école des Sorciers. Quoi que, son comportement des plus insaisissables la mettrait peut-être à l’écart. De toute façon, ils n’avaient pas le choix : tout sorcier doit avoir une éducation magique. Le hibou arriva donc, apportant la lettre redoutée de Doriane, un peu moins par Benjiro. Shana rejoindrait la prestigieuse école de Poudlard. Doriane se rendit donc avec elle afin d’acheter ses affaires de sorcière. Shana semblait assez sceptique sur la situation, mais elle n’exprima rien. Comme toujours. Elle cachait toujours ses sentiments, même si parfois l’on percevait ce qu’elle ressentait. Et dans ses moments là, mieux valait s’abstenir de pointer cela du doigt, car elle entrait alors dans un tourbillon de colère froide… Chez Olivander, ce fut une baguette en bois de merisier sombre, tirant vers le rouge, contenant une plume de phénix, d’environ 30 centimètres qui choisit Shana. Faite pour l’enchantement. Shana devint alors une élève consciencieuse, travaillant bien sans toutefois trop en faire. Elle se moquait pas mal de la maison dans laquelle elle avait atterri, et si ses parents en pensaient quoi que ce fut, elle ne l’appris pas. Elle trouvait plutôt amusant et surprenant toutes les choses qu’un brin de magie rendait possibles, sans qu’elle ne s’en soit jamais rendu compte par le passé. Tout ne fut pas rose, loin de là. Etre à moitié sorcière et à moitié moldu, ça ne se passe en général pas très bien, quoi qu’on en dise… La différence, aussi minime qu’elle soit, ne pardonne souvent pas. Aussi son apparence excentrique et son caractère très spécial avaient du mal à se faire une place chez les « bons » élèves de Poudlard. Mais elle se montrait indifférente à tout cela. Bien entendu, elle en souffrait. Tout être vivant est pourvu d’un cœur, et il est évident qu’elle ressentait les choses. Même si elle n’était pas comme les autres, Shana vivait dans le même monde qu’eux. Elle aurait préféré que ce ne fût pas le cas, parfois, mais elle n’avait de toute façon pas le choix. Souvent, le choix nous échappe, on pense que ce sont nos choix, mais en vérité, nous n’avons rien choisi du tout. Serait-ce alors la destinée ? Peut-être, qui sait. Personne ne peut le dire, personne ne le sait. Mais cette vérité effraye tout le monde, trop mystérieuse qu’elle est. Alors l’on se voile la face, on préfère vivre dans l’ombre, guidé par des fausses lumières, comme les papillons de nuit qui se brûlent les ailes à se buter contre les lampadaires des rues. Deux années s’écoulèrent encore, parmi les cours divers et variés, au rythme des vacances, des saisons, et le temps passant. Shana, toujours effacée derrière les autres, jamais au sein d’un groupe réel, se contentait de la situation telle qu’elle était. Elle n’avait certes pas de véritables amis, mais au moins les autres se contentaient plus ou moins de garder le silence à son sujet, la laissant seule sans la couvrir de railleries. En cela elle s’estimait déjà chanceuse. Pour combler ses longues heures de solitude, Shana s’était découvert une nouvelle passion : le violon. Elle avait appris à jouer de cet instrument selon les méthodes du commun des mortels, sans aucune magie. Elle n’était pas spécialement talentueuse à cet art, mais elle s’y appliquait afin de retranscrire ses émotions dans les mélodies qu’elle interprétait au fil de son archet. Toute forme d’expression est bonne, pourvu qu’elle permette d’évacuer ses souffrances, et aussi de partager ses bonheurs. Et les souffrances s’accumulaient au fil de ses deux années dans le cœur de la jeune sorcière. Ses craintes au sujet de l’école de sorcellerie ne cessaient de s’amplifier, et son cocon familial lui semblait, à raison, au bord de l’implosion. Son père était tombé gravement malade, une maladie que les médecins ne parvenaient ni à nommer, ni à soigner. Lorsque Shana apprit cela, elle demanda à sa mère d’utiliser la magie afin de le guérir, mais c’était interdit par le ministère de la magie. Une dispute éclata entre la mère et la fille, autrefois si proches l’une de l’autre. La fille voulait sauver son père, quoi qu’en pensent des lois lointaines qui se montraient bien inhumaines, et la mère voulait rester en règle, sachant que de toute manière la magie n’est pas éternelle sur la maladie… Elles ne s’adressaient presque plus la parole, tandis que Benjiro souffrait en silence, prostré dans son lit, sans savoir bouger ni même parler. L’ambiance était donc plus que pesante, d’autant plus que des soucis d’argent commençaient à se faire sentir puisque Benjiro ne pouvait plus travailler. Poudlard se révélait être une prison et un lieu d’évasion en même temps pour Shana. C’était un sentiment étrange et frustrant que de ressentir cela à l’égard d’un endroit… Coincée dans les tumultes de sa famille, et en même temps prisonnière du regard des autres à l’école. Parfois, la vie lui semblait plus simple loin du monde des vivants… Mais jamais elle ne céda à la tentation de la mort, à l’appel de ce gouffre qui pourtant semblait plus relaxant…
Eté 1995 ♫
L’été revint, plus pénible que par le passé. Les souvenirs du temps passé dans le parc, le sourire aux lèvres, les innocentes questions, tout cela semblait bien lointain à la jeune fille. Tant de choses avaient changés depuis cette époque. C’était étonnant à quel point le temps pouvait modifier les êtres et les choses. Allongée sur son lit, Shana tentait de calmer les battements de son cœur. Elle repensait encore à la violente dispute qui avait éclatée au début de l’été entre elle et sa mère. De graves problèmes d’argent les touchaient, Shana était trop jeune pour travailler et sa mère ne trouvait personne souhaitant l’accepter. Doriane avait alors souhaité revendre la boite à musique et le violon, certaine d’en tirer un bon prix. Mais se séparer de cela, c’était comme si on lui ôtait une part de son âme. La discussion avait parue sans fin, entre cris, soupirs, sanglots. Elles entraient dans la misère, tout le peu d’aides qu’elles recevaient étant avalées par les soins pour son père. Rien pourtant ne semblait pouvoir soigner le pauvre homme, dont seuls les yeux trahissaient les émotions et la vie. Voir son père mourir lentement, chaque jour un peu plus loin d’elles et proche de la mort, était insupportable à Shana. Elle secoua la tête, tentant d’oublier cela. Bientôt, elle retournerait à Poudlard. Au royaume de l’ignorance, de l’indifférence, de l’hypocrisie aussi. Mais pourtant il fallait bien vivre, ou survivre… Elle s’empara du violon posé contre le mur, mur noirci de sombres dessins, images de la douleur qu’elle dissimulait pourtant sous un sourire nonchalant à Poudlard, sous un air d’indifférence chez elle. Une indifférence que seul la douleur de son père brisait, lorsqu’elle se trouvait seule dans la grande chambre blanche d’hôpital qu’il avait gagné, avec pour seul autre bruit que celui de ses larmes les bips stridents des machines qui indiquaient la vie de Benjiro. Elle se remit à jouer. De toute façon, il n’y avait rien d’autre qu’elle puisse faire.
La rentrée vint, et rien ne fut différent de ce qu’avait prévu Shana. Tout était encore identique, comme si chaque chose semblait se répéter à l’infini dans l’enceinte de l’école. La prison semblait se resserrer chaque jour un peu plus, la douleur semblait grandir et piquer encore et encore Shana. C’était assez inexplicable, même la musique ne parvenait à transcrire cela. Plus que jamais, la demoiselle doutait que le futur puisse s’améliorer. Et pourtant, elle continuait à avancer… La raison était bien simple et futile, même si Shana se refusait elle-même à se l’avouer. L’amour était une chose bien insaisissable et incompréhensible. D’ailleurs, elle qui n’avait jamais connu cela, comment aurait-elle pu se rendre compte du nom de ce qui la touchait ? Ce petit pincement qui la saisissait au cœur dès que son regard apercevait ce garçon de 5e année, elle été bien incapable de savoir ce qu’il était au juste. Le rouquin aux yeux verts était si beau, il avait l’air si parfait… Elle savait que jamais il ne poserait les yeux sur elle, jamais elle n’entendrait le son de sa voix autrement qu’au détour d’une conversation dont elle volait quelques bribes, mais pourtant elle ne pouvait empêcher une part de son être d’espérer être un jour à ses côtés, de tenter de s’améliorer pour être assez bien pour ce jeune homme dont elle ignorait jusqu'à son nom. A ses côtés, ses amis semblaient heureux et toujours joyeux, et lui avait l’air drôle et plus que sympathique. Shana avait l’impression de vivre dans un monde parallèle, comme le poisson qui, tournant en rond dans son bocal, voit de l’autre côté de la paroi en verres les merveilleux fonds d’océans que jamais il n’atteindrait.
Un jour, une lettre arriva pour Shana. Jamais plus on ne lui écrivait, depuis que son père était malade, puisque Doriane et elle s’étaient brouillées. Aussi la fille redoutait ce que pouvait bien contenir ce message inattendu. Quelque chose lui criait d’ores et déjà que ce serait une mauvaise nouvelle. Aussitôt qu’elle eut le papier en main, elle quitta la grande salle sans même avaler quoi que ce soit. Elle avait besoin d’être seule pour lire et savoir, pour affronter ce qu’on lui réservait dans ce morceau de papier. Shana inspira un grand coup. Les mains tremblantes, elle déchira l’enveloppe frappée de son adresse, et en extirpa une feuille gondolée, sur laquelle elle reconnu l’écriture de sa mère malgré les tressautements que le crayon semblait avoir subi dans la main de l’expéditrice. Les lignes suivantes se déroulèrent sous ses yeux :
« Ma Shana,
Je regrette d’avoir à t’écrire ce message. Non pas que je n’ai pas envie de te parler, non, bien au contraire. J’aimerais tant te tenir dans mes bras, mon trésor, ma seule raison d’être désormais… Il faut que tu reviennes. Je suis désolée pour tout ce qu’il nous est arrivé, Shana. Benjiro nous a quittées… Hier, dans la nuit.
Je m’en veux tellement pour tout. Tu rentres demain soir pour les funérailles.
Je t’aime,
Maman. »
Les yeux d’encre de la demoiselle s’embuèrent de larmes. Son père était donc mort, et où était-elle, elle ? Ici, à attendre ! Pour quoi, pour qui ? Pour rien, rien du tout. Il était mort, mort, mort, cette idée résonnait dans son esprit sans qu’elle puisse l’accepter. C’était inimaginable. Le monde perdait le peu de sens qu’il avait encore à ses yeux. Tout semblait tourner autour d’elle. Dans un vague flou, un groupe familier à Shana passa. Familier tant elle l’avait épié en rêvant de leur parler, surtout de lui parler… Sans s’en rendre compte, elle s’était retrouvée agenouillée, dos contre le mur, retenant vainement ses larmes. L’autre garçon et la fille qui collait toujours au beau sorcier continuèrent leur route sans même la remarquer. Lui, il s’arrêta quelques instants face à elle. Le contact de sa main sur son épaule la fit tressaillir.
- Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu veux qu’on aille chercher quelqu’un ?
Son beau visage d’ange était si près du sien… Sa voix, si douce, si merveilleuse, comme sortie d’un rêve… Shana avait l’impression que c’était elle, la morte, désormais au paradis. Cela aurait été tellement mieux. Sa mère et son père toujours unis ici bas, et elle dans les bras de cet ange dans l’au-delà… Mais elle était toujours bien présente sur cette terre. Chassant les bribes de rêves qui se mélangeaient à la peine dans son esprit, elle répondit dans un murmure :
-Non, ça va aller… merci…
Mais alors qu’elle disait ces mots, la voix criarde de l’autre fille retentit dans le couloir.
-Ron, tu viens ?!
- J’arrive Hermione !
Celui qui portait le nom de Ron se releva, esquissant un maigre sourire désolé qui fit totalement craquer la jeune fille, puis s’en alla avec ses amis. Des amis qu’elle n’aurait jamais. Et cette Hermione qui ne pouvait pas le laisser avec elle quelques secondes… Elle se releva et se précipita dans son dortoir , les larmes coulant abondamment sur son visage, plus torrents que larmes. Jamais de sa vie elle n’avait autant pleuré, l’envie de rendre ses derniers repas lui parvenaient même. Elle ne savait pas si elle souffrait plus d’avoir vu sa famille être détruite injustement ou si c’était le fait d’avoir rencontré Ron et de l’avoir lui aussi perdu dans la même soirée que son père. Car oui, jamais sans doute elle ne lui reparlerait. Et Hermione, elle qui avait l’air si parfaite, était sans doute la meilleure amie qu’il puisse avoir… voire plus. Cette idée la fit entrer dans une rage incontrôlable, si bien qu’elle en envoya inconsciemment la boite à musique au sol. Ce fut le bruit déjà entendu du cristal se brisant contre le parquet qui rendit Shana à la raison. Eparpillés sur le sol, les morceaux de la boite à musique ne formaient une nouvelle fois qu’un vague puzzle ruiné, sans but, sans utilité aucune, sans personne pour l’apprécier par sa beauté ou sa musique. Comme Shana. La demoiselle retint les larmes de couler. Elle avait déjà réussi cela une fois, pourquoi pas deux ? Ses yeux d’encre se fermèrent , et elle souhaita sans un mot qu’elle revienne à son état. Un fin chuintement dans l’air lui donna la sensation que la magie opérait. Quand elle ouvrit les paupières, la boite était là, intacte. Cependant, il y avait une différence. Une nouvelle musique s’était ajoutée dans la boite… Comme si elle allait être la musique de sa vie, désormais… Une nouvelle brisure dans sa vie, une nouvelle fois la boite avait été brisée. Si seulement Shana avait pu se reconstruire ainsi, juste en le souhaitant…
Une nouvelle page s’était ouverte dans leur histoire. Mais c’était sans doute la plus sombre. ♪
Doriane savait que désormais, rien ne serait jamais plus comme avant. Tout avait déjà bien changé, depuis bien trop de temps sans doute pour que les choses puissent s’arranger. Elle était fatiguée d’un travail pénible et mal payé, à nettoyer pour un salaire de misère des grandes maisons luxueuses. Certes, elles n’étaient plus que deux. Mais Doriane ne voulait pas renoncer à offrir la vie qu’elles avaient toujours eu à Shana, même si sa fille ne semblait pas s’en soucier. A vrai dire, c’était comme si sa fille était déjà morte, elle aussi. Elle ne lui adressait plus la parole, jamais un sourire ou une émotion ne semblait traverser le visage de la rouquine. La situation n’en semblait que plus pénible pour la mère, mais qu’aurait-elle pu y faire ? Il y avait bien longtemps qu’elle ne comprenait plus sa fille, cette étrangère qu’elle avait pourtant mit au monde. Pourquoi la cruauté s’était elle ainsi acharnée sur elle ? Etait-ce une vengeance, le prix à payer pour le bonheur qu’elle avait vécu par le passé ? Non, la vie ne pouvait être ainsi. La vie n’aurait eu aucun sens, sinon, la vie était bien plus belle que ce genre de bassesses même inconscientes. Elle soupira. A quoi bon chercher des réponses à des questions qui n’en auraient jamais ? Quand tout est sombre, on peine toujours à apercevoir la lumière que la vie nous tend pourtant, même si elle est plus faible que jamais. Cela faisait plus d’un an que Benjiro était décédé, maintenant. Shana poursuivait ses études à Poudlard, sans que Doriane ait la moindre idée de comment ça se passait là bas pour elle. Son mutisme était tellement profond que rien ne semblait la faire sortir de la prison de glace dans laquelle elle s’était emmurée. La vie semblait tourner en rond, dérivait sans aucun but précis… Allongée dans le lit trop grand pour elle, Doriane songeait à cela lorsqu’un craquement sourd retentit au premier. Les battements de son cœur semblaient résonner dans toute la maison qui, désormais, n’était plus vide. Elle hésita à se cacher au fond de son lit sans bouger, ou a affronter l’inconnu. La peur au ventre, elle se décida à se lever, sans enfiler de chaussures, drapée dans sa robe de nuit. Dans le noir, elle chercha a attraper un objet, quel qu’il fut, afin de pouvoir se défendre si besoin. Mais elle ne trouva rien et sa main heurta la lampe de chevet qui se fracassa. Sa respiration se fit courte, haletante. Des bruits de pas se rapprochant emplirent son crâne. Tremblante, elle dévisagea l’homme inconnu qui se tenait face à elle, son sourire mesquin et son regard de glace la transperçant de toutes parts. Elle tomba à genoux, suppliante. Un rire sadique emplit la pièce. Le canon froid de l’arme se posa sur sa tempe droite, tandis qu’il empoignait les cheveux de jais, jetant la femme sur le lit défait comme une vulgaire poupée. Il attacha l’une de ses mains avec un drap en susurrant :
- Finalement, il n’y a pas que des choses sans valeur, ici… On va pouvoir s’amuser un peu toi et moi.
Mais il fit l’erreur de poser l’arme sur l’oreiller, à côté de la tête de Doriane qui s’en empara aussitôt, tirant au hasard sur l’homme. La balle atteignit le genou gauche, laissant s’écouler le sang. Une gifle ne tarda pas à suivre, ainsi qu’une flopée d’injures à l’égard de la femme. Le pistolet tomba de la main de la veuve, main qui fut elle aussi attachée, l’homme se moquant bien de sa blessure pour parvenir à ses fins. Lorsqu’il eut fini son crime, il s’empara a nouveau du fusil, et tira deux coups sur le corps encore larmoyant de Doriane. Une dans la tête, une dans la poitrine. Puis il disparut dans la nuit, ne laissant rien d’autre que la mort et l’horreur derrière lui.
« Lettre du Ministère de la Magie
Pour Mlle Shana Wakeshima, 4e année à Poudlard.
Mademoiselle,
Nous sommes contraints de vous faire parvenir le rapport de police ci-joint. Nous vous présentons nos condoléances. Vous resterez à Poudlard durant les vacances, nous vous trouverons une famille d’accueil pour les grandes vacances.
Rapport de Scotland Yard - Affaire n°146bA416.
Nuit du 25 au 26 novembre 1996.
Les faits se sont déroulés au 148, Morningtown Crestdown Street, à Londres.
Un homme est entré par effraction dans la maison de Doriane Wakeshima, veuve de Benjiro Wakeshima. Il s’agit sans aucun doute d’un cambriolage ayant mal tourné, plusieurs objets semblent avoir disparu sans qu’il soit possible d’en être certain étant donné l’absence de membre de la famille. Le corps de la victime a été retrouvé à l’étage. Celle-ci a du se défendre car un échantillon de sang différent de celui de la victime a été retrouvé sur son corps, les draps et le sol. Il semblerait que le coupable soit blessé au genou. Après un viol, Mrs Wakeshima a succombé à deux balles à la tête et dans la poitrine.
L’hypothèse d’une vengeance personnelle ou d’un cambriolage ayant mal tourné semble les plus probables.
Veuillez agréer l’expression de nos plus sincères condoléances,
Ministère de la Magie»
Lorsque Shana eut lu ces lignes, tout devint clair et précis dans la tête de la fille. La colère et les disputes ne supprimaient pas l’amour, et sa mère était le dernier fil qui donnait tout de même un sens à sa vie, ou presque. Jamais elle n’accepterait de laisser impuni ce crime, alors que même les autorités londoniennes semblaient se désintéresser de cette affaire, de ce « fait divers banal ». On aurait pu penser que cette envie n’était que passagère, dû au choc qu’avait été la lecture de cette froide et sobre lettre lui annonçant un noir avenir. Mais c’était bien plus que cela. Venger sa mère, trouver cette homme pour le tuer, cette homme qui avait fait souffrir Doriane, c’était un peu comme trouver la cause de tout, comme chercher à supprimer le mal qui dormait au plus profond de Shana, ce mal-être et ces souffrances qu’elle dissimulait avec peine sans que personne ne s’en rende compte, observant dans l’ombre Ron Weasley et ses amis, les autres sorciers aussi, mais surtout lui, ses fines lèvres, tout son être autant physique que psychique, toute cette personnalité à laquelle elle ne pouvait accéder, à qui elle ne pouvait parler faute d’avoir suffisamment d’atouts ou de courage. La douleur de la différence, de ces regards pesants qui vous donnent le sentiment d’être un alien, un monstre qu’on exhibe au milieu d’une foire sous les yeux étonnés et dégoûtés des passants qui ne prêtent qu’a moitié attention à vous. Tant de choses que l’idée de tuer lui faisait oublier. La souffrance, la crainte de soi-même, l’amour, la jalousie. Un cocktail néfaste qui, petit à petit, consumait Shana de l’intérieur. Coincée à l’école des sorciers jusqu’aux grandes vacances, nul ne pouvait lui reprocher de faire usage de la magie. Elle dissimulait ses desseins et ses recherches, trouvant des moyens autant magiques que « moldu » pour retrouver l’assassin de sa mère. Elle compila des centaines d’affaires, des casiers judiciaires, elle essaya tout pour le trouver et se venger. Peut-être par chance, peut-être par hasard, ou peut-être par talent, elle finit par le trouver. Il était temps, car c’était la fin de sa 4e année. Elle fut placée chez une femme assez jeune, qui n’en avait rien à faire de la nouvelle venue, faisant cela comme un job sans doute. Shana soupçonnait même la femme de tremper dans des affaires de drogues ou des choses peu nettes dans ce style. Mais de son côté, elle n’en avait aussi rien à faire de la nouvelle « mère ». Seul son but comptait. Elle savait son adresse, elle n’avait pas besoin d’un nom. Elle avait besoin de voir son sang sur le sol, son visage contre la terre, de sentir son âme quitter ce monde et gagner les enfers. Elle avait besoin que sa mère repose enfin en paix, dignement. Et elle se fichait pas mal du reste, du présent comme de l’avenir. Ce qu’il adviendrait d’elle après ce meurtre - car oui, ce serait un meutre, mais dans le fond, pas un crime - , elle n’en avait rien à faire. Après tout, ensuite, elle n’aurait plus rien à faire dans ce monde, alors peu importait. Plus ou moins légalement, elle se procura une arme. Bientôt, elle tiendrait sa vengeance. Bientôt, la justice régnerait…
Peu après le jour de ses 15 ans, alors que la femme qui la gardait était ivre morte dans la cuisine, alors même que les soirées n’avaient pas encore commencé en tavernes, Shana rangea son violon dans un sac, ainsi que la boîte à musique. Elle glissa son colt dans un des plis de sa robe, attaché par un ruban contre sa jambe. Contournant le corps assoupi de la femme, elle glissa quelques provisions dans son sac. Le noir régnait désormais dans la rue, faiblement éclairée par des lampadaires. Shana sortit dans les froideurs des ténèbres sans que cela ne la dérange. Elle-même était devenue une ombre, dans le fond. Elle n’avait pas besoin de plan. Elle avait appris le chemin par cœur, avait répété chaque seconde de ce qui allait suivre dans sa tête depuis si longtemps. Elle aurait déjà du être dans le train pour Poudlard à l’heure qu’il était. Shana savait que les minutes qui allaient suivre allaient entacher sa destinée à tout jamais, ou tout du moins, c’est ce qu’elle croyait. Aucun bruit ne régnait dehors, aucun passant n’avait osé sortir dehors. Un sourire de félin chassant sa proie apparut sur ses lèvres. Elle parvenait presque à comprendre l’homme qu’elle allait tuer. C’était une sensation grisante de savoir qu’on allait pouvoir obtenir ce qu’on voulait, mais encore fallait-il avoir une bonne raison… La porte au numéro familier apparut enfin. Sans aucune hésitation, elle souleva le paillasson pour s’emparer de la clé doré qu’elle fit tourner dans la serrure. Une idée bien stupide et classique, pour quelqu’un qui voulait jouer au grand criminel, songea-telle. Le léger déclic de la poignée ne réveilla pas l’homme. Il était présent, Shana entendait le bruit de sa respiration paisible. Paisible… Comment pouvait-on être paisible après avoir fait subir ce genre de choses à une innocente ? Comment pouvait-on être paisible lorsque la mort allait vous fondre dessus tel l’aigle sur une souris d’ici quelques instants… La demoiselle retint un rire jaune. En silence, elle ouvrit son sac et déposa délicatement la boîte à musique sur une table d’appoint, à côté d’une bougie encore allumée qui faisait scintiller le cristal. Elle actionna le mécanisme, et se tapit dans un recoin d’ombre, juste à côté de la porte d’entrée. La musique retentit, et l’homme se leva lourdement. Il se dirigea à l’oreille vers la source de son réveil, sans se douter que dans quelques secondes, il serait face à sa tueuse… Il sursauta et s’emmêla les pieds dans un tapis lorsqu’une jeune femme aux cheveux roux sortit de l’ombre, brandissant un fusil droit sur lui.
- Pose…. Pose ce flingue, gamine. Tu te rends pas compte de ce que tu fais, là, pose ce flingue. Lança-t-il d’une voix encore pâteuse.
Cette fois ci, elle ne retint pas son rire, un rire nerveux plus qu’amusé. Sa voix s’éleva.
- Et toi, salopard, tu t’es rendu compte de ce que tu as fait ? Tu t’es rendu compte de ses supplications ? Tu t’es rendu compte lorsqu’elle a commencé à pleurer, coincée entre tes sales bras de brute ? Sans doute que non… Tu n’as rien compris, lorsque son sang s’est mis à couler, avant que tu partes.
- Mais de quoi tu parles, bon sang ?! T’es complètement maboule ! Pose ce flingue bordel !
Shana s’approcha encore de l’homme qui ne parvenait pas à se relever, sa blessure au genou gauche mal cicatrisée étant trop douloureuse pour lui permettre de revenir à une position debout. Alors, il discerna son regard d’encre, et il sut que cette gamine était la fille de sa victime. La peur s’inscrit dans son regard, la terreur suintait de son être au fur et à mesure que la sueur trempait son front.
- Non, fais pas ce que tu regretteras, petite… Non, non, ne fais pas ça…
Ses supplications restaient vaines et sans réponses. Elle s’approchait toujours un peu plus de lui, lentement, comme si elle avait toute la vie pour arriver au moment où elle appuierait finalement sur la gâchette. L’homme tenta sans succès de ramper vers l’arrière afin d’échapper à la fille, mais sa tête se heurta contre le mur. Son souffle s’était fait court, bruyant.
-Parce que toi, tu as regretté ? Tsss.
Ce furent les dernières paroles que l’homme eut l’occasion d’entendre. La musique venait tout juste de s’arrêter. Le silence régnait désormais dans la maison et dans la rue. Elle appuya sur la gâchette. Une détonation effrayante s’ensuivit, mais pourtant Shana ne trembla pas. Tout juste si elle eut un frisson de dégoût lorsque le sang se mit à couler. Sa main blanche lâcha l’arme sur le sol, et elle sortit de la maison, laissant tout comme tel, en ayant bien sûr récupéré la boîte à musique. Visiblement, elle n’aurait plus que cette boîte avec elle, pour un bon bout de temps…
1997 : Fuite.
Journal de Shana W. ; Novembre 1996.
« Le temps est long, long, long, et vain. Pourquoi est-ce que je continue à le subir ? Pourquoi je reste là, assise dans le froid, à écrire sur ce stupide calepin que j’ai volé hier ? Je ne sais pas. Mais qu’est ce que je pourrais faire d’autre… Me rendre ? A quoi bon avoir fui, alors. Pourquoi donc n’étais je pas restée là bas, dans la maison de ce *VIVE LGDC* ? Les flics seraient arrivés. On m’aurait arrêté. Internée dans un hopital ou que sais-je… Oui, ça n’aurait sans doute pas été mieux. Mieux que quoi au juste ? Que ce froid mordant dans lequel je m’endors pour essayer de me réveiller vivante le lendemain ? Sans rien d’autre à manger que des trucs que je chipe ici et là ? Super. Quelle existence. La non existence, ça serait peut être mieux, non ? Mourir, je veux dire. Ne plus devoir se soucier d’avoir froid, de devoir manger et boire. Juste, fermer les yeux, et attendre. Attendre que les larmes finissent de me noyer, ou que le vent me gèle à ma place. Pourquoi me battre, dans le fond…
Je ne sais pas. Mais je dois me battre. Il le faut.
Peut être qu’un jour, je le reverrai… Lui, il saurait me donner des raisons de me battre… Si seulement je comptais pour lui… Il est le seul à me manquer réellement de cette stupide école de sorcellerie. Ron… »
Une goutte de pluie vint s’écraser sur la joue de la demoiselle, qui se mêla à la première de ses larmes. Shana referma le carnet et le rangea dans son sac, à côté de ses biens, le violon et la boîte à musique. Quelques vêtements recouvraient le tout, ainsi que des restes de nourritures volés. Sans argent, on pouvait difficilement se nourrir autrement qu’illégalement. Elle reprit sa route, n’allant vers aucun endroit précis. Elle cherchait juste un abri, pour le moment. De quoi s’abriter du temps, du regard de la police, et de la nourriture. Voilà ce qu’étaient devenues ses principales préoccupations, tout en nourrissant le secret espoir, le rêve d’être un jour aux côtés de Ron… et cela pour toujours. Elle ne comprenait pas cette passion, cette fièvre amoureuse qui la brûlait de l’intérieur. Chaque instant qui passait la rendait encore un peu plus accro à cette drogue qu’elle ne pouvait pourtant pas consommer ailleurs que dans ses pensées. Marchait-elle déjà sur les sentiers obscurs de la folie ? Peut-être bien que oui. Mais peut être avait-elle toujours cheminé sur ces routes tourmentées…Elle errait sans doute depuis trop longtemps, tant physiquement que sentimentalement, sans plus personne à qui se raccrocher, sans personne pour la guider et lui donner foi en elle. Mais elle se moquait bien de tout cela. Elle se moquait désormais de tout, mais tout dans le fond avait de l’importance. Il n’y avait aucune logique, personne ne pouvait comprendre cela. Même elle ne le comprenait pas. Non, elle ne comprenait pas, mais elle le ressentait. Et c’était bien assez pour lui faire encore du mal. Elle était sa propre tortionnaire, coincée dans un monde dans lequel elle ne se sentait pas à sa place, une place qu’elle ne voulait toutefois pas se créer. Elle se détestait presque, et pourtant elle se réjouissait de n’être pas comme les autres, comme eux. Souvent, Shana venait à se dire qu’elle n’était sans doute pas mieux que les autres personnes, mais qu’au moins elle n’était pas comme eux. C’était tordu et illogique. Mais cela vous semble logique, une jeune fille de 15 années devenue meurtrière, errant dans les rues d’un Londres triste et pluvieux, une ville bientôt sous l’emprise du Mal le plus total ?
Ce meurtre de sang-froid, inexpliqué, insolvable, aiguisait la curiosité des journaux de cette fin 1996, et mettait sur les dents toute la police. Police qui, de surcroît, était de plus en plus surchargée par des actes de violences inexpliqués. Le Ministère de la Magie, lui, était bien au courant de la cause de tous ces troubles dans le monde des moldus. Non contents de semer la mort et la désolation chez les Sorciers, les Mangemorts et les fidèles de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom mettaient en pagaille le monde des humains. Un tel acharnement au mal était incroyable, et surtout insurmontable. Ils étaient certainement au courant de la culpabilité de Shana Wakeshima, et c’était surtout à cause d’eux que la jeune sorcière se pressait dans les rues de Londres, toujours en fuite d’une menace qui pourtant ne se faisait pas voir directement. Ce n’était pas des remords, juste l’envie de ne pas être punie pour avoir fait la justice. Et de la peur, sans doute, bien qu’elle se le cachait à elle-même. Mais le monde entier se désintéressa de Shana et de son crime, bien plus effrayé par la menace de Voldemort et ses sbires. Shana ne les aimait pas plus que les « gentils » du Ministère de la Magie, aussi ne se joignit-elle à aucun camp. Les Mangemorts auraient pu être une protection, mais elle ne se sentait pas… Comme eux. Elle avait tué, oui. Mais elle ne souhaitait pas recommencer. A part peut-être pour Ron… Et pourquoi aider les autres, puisque personne n’était venu l’aider, elle ? Aussi resta-t-elle seule, traînant là où elle le pouvait, évitant les dommages collatéraux de cette lutte dont elle se désintéressait. C’était tout juste si, de temps à autre, elle lisait la Gazette du Sorcier. Elle voulait y voir les rares portraits de l’être aimé, bien souvent caché par monsieur Potter. Le trio avait disparu, et tout le monde les recherchait. Qui avait remarqué sa disparition à elle, Shana Wakeshima ? Sans doute personne. Une petite histoire de perdue dans la traînée de la Grande Histoire que tout le monde retiendrait. Tout cela était pathétique. Selon l’histoire que chacun connaît, le monde des Sorciers combattit durant toute cette période la menace qu’étaient Voldemort et ses fidèles. Si aujourd’hui il en subsiste encore, nul doute que ceux-ci sont traqués…
1998. Retour dans « Poudlard »…
- Miss Wakeshima ?
La fille aux cheveux roux se réveilla d’un bond, quittant prestement le sol froid sur lequel elle s’était assoupie. Longuement, elle dévisagea l’homme vêtu de noir qui se tenait devant elle, sans rien dire. Elle savait déjà de quoi il s’agissait, même si elle ignorait ce qui l’attendait… Un soupir presque inaudible s’échappa de ses fines lèvres vermeilles. Shana s’empara de son sac et se releva, faisant à nouveau face à l’homme qui ne la quittait pas des yeux. Elle détourna son regard d’encre de ce faciès qui l’intimidait, pourtant dieu savait qu’elle n’était pas « timide ».
- Bien, allons y. Heureux de vous avoir enfin retrouvée… lâcha-t-il.
- Vous ne vous imaginez pas à quel point moi aussi. Je vais enfin aller mourir dans une geôle atroce, c’est ça ? grommela-t-elle en réponse.
- Bah, tout dépend du point de vue que tu as de Poudlard… Dépêche toi. Ordres du gouvernement et de l’école, tout les élèves doivent retourner participer à la reconstruction et reprendre leurs études « normalement ». Après tout ce qui s’est passé…
Shana resta muette quelques instants. Ainsi, on la recherchait juste pour la ramener à Poudlard, sans se préoccuper de ce qu’elle avait fait pendant sa longue année d’absence. Sans même savoir qu’elle était une tueuse… Elle s’en tirait plutôt bien, en fait. Lentement, elle acquiesça et emboita le pas à l’officier du Ministère de la Magie. La vie semblait lui accorder une seconde chance, mais serait-elle capable de la saisir ? Aurait-elle le courage d’affronter encore de nouvelles choses ? Elle n’en savait rien. Mais ce qu’elle avait déjà vécu lui avait appris à ne jamais s’avouer vaincue avant d’avoir combattu. Le temps de trajet lui parut bien court pour se rendre à la gare. Toutes ses affaires l’attendaient dans le wagon, bien qu’elle ignorait comment on avait pu les empaqueter. Tout était resté dans son ancienne famille d’accueil qu’elle ne reverrait sans doute jamais, la femme avait sûrement tout renvoyé à un organisme quelconque. De toute les manières, Shana se savait capable de vivre ou survivre seule… Les banquettes d’un train étaient d’un confort inouï après avoir tant dormi dehors. Shana s’assoupit d’un coup au rythme paisible de la locomotive à vapeur…
« Journal de Shana W. ; 1998.
Nous y voila donc. L’agent Mystère m’a laissée dans le Poudlard Express, et je n’ai pas prêté garde au trajet. Trop de fatigue. De l’endroit où je suis, il ne reste plus grand-chose de Poudlard. La magie reconstruira sans doute cela bien vite. C’est tellement simple la vie, lorsque l’on s’octroie le droit d’user de la magie… Enfin, la vie est simple. Ce sont les gens qui sont complexes… J’en suis sans doute la preuve vivante. J’ignore ce qui m’attend là bas, au bout de ce chemin que je vais devoir certainement effectuer à pieds. Personne ne sait, et je le découvrirais bien assez tôt. Peut-être ai-je changé, peut-être suis-je toujours la même. Qui pourrait le dire ? Personne ne me connait. Moi-même, j’ignore ce que je suis. A quoi bon chercher, la vérité éclate toujours d’elle-même au final. Sauf dans certains cas, j’espère. Pas envie de finir prisonnière pour avoir étripé l’autre dégueulasse de type…
Allons-y. Avançons, ma chère. De toute manière, tu n’as pas le choix. Alors affronte. »
Le soleil se levait sur un paysage de ruines. Dans les faibles rayons, les cheveux de Shana commençaient déjà à brûler, flammes impétueuses et incontrôlables, tout comme le cœur de celle qui les portait. Elle marchait lentement, mais son rythme accéléra, tout comme les battements de son cœur. L’idée de revoir un certain visage lui donnait envie d’être la première arrivée sur les lieux…
« Advienne que pourra ! »